e-mémpol XV Les Polonais à Wittenheim
Additif à « La Chronique-Renaud » :
L’apport de Winnlen
par fsz site polonais-et-potasse.com
- Rappel : il n’y a rien sur les Polonais de Wittenheim dans la Chronique d’histoire locale de Désiré Renaud, parue en 1967. Situation impensable
- Heureusement, Jean-Charles Winnlen, historien du cru, né en 1942, et solidement formé, rattrape le coup !
- Dans son étude d’il y a 30 ans, sur la Libération, et autour, publiée en 1995, grâce au maire (+) Roger Zimmermann, et à son 1er adjoint (+) Paul Zwingelstein, tous deux encore fort regrettés aujourd’hui, étude consistante (90 pages de format A4) et intéressante (à bien des égards), les Polonais ont droit de cité, normalement, comme d’autres étrangers.
- Reprenons ci-dessous les nouvelles données apportées. Et joyeux merci, Jean-Charles ! Vous contribuez à la bonne intégration des immigrés, question redevenue si sensible aujourd’hui, n’est-ce pas ?
- Commençons par dire que Winnlen a su illustrer son propos en présentant des éléments « incontournables » de la sacralisation à la polonaise, deux à l’église (Ste-Barbe), l’effigie de la Vierge noire de Czestochowa (page 12), et l’ex-voto à la mémoire du curé-martyr de Dachau Marian Krupinski (p 31, très bien photographié) ; et deux autres indices de base de la présence polonaise, au monument aux morts, les drapeaux des associations « patriotiques et civiles » (c’est comme ça qu’on disait, encore au début des années 70), et les costumes folkloriques, surtout féminins (réunis sur le même cliché p 80).
- Là où les Polonais « gagnent du terrain », c’est par exemple qu’ils sont admis à figurer sur les photos de vainqueurs de 1945 (voir Stolarski p77), et que leurs morts, et mortes, militaire (Lonski à Dieuze p71) et civils (p72) sont cités au même titre que les autres, sans discrimination ni occultation : un Polonais mort est aussi un mort, et puis c’est tout, que ce soit à la guerre comme à la mine (On est loin d’une méchante anecdote venue de Wittelsheim : le glas sonne pour annoncer un décès ; au village, ou au « Centre » on l’entend : « Oh, c’est personne, seulement quelqu’un de la cité. » Qui a dit ça ? Les mineurs desdites cités, qui descendent tous les jours pour la prospérité du coin, te disent merci.).
- Ce qui est surtout bien venu dans cette étude, suivant le point de vue particulier qui est le nôtre dans mémpol, de rendre compte de la présence polonaise, ce sont les chiffres démographiques des pages 9 et 10 .
- De 1921 à 31, la population double (de 3500 à 7000 habitants, environ), en raison de l’afflux massif de travailleurs non qualifiés étrangers, dont 68,74% sont des Polonais. Le premier ministre Bayrou, il y a cent ans, aurait déjà pu, pour évoquer le fait, et le sentiment des autochtones devant lui, user de son fameux mot tout récent de « submersion », si décrié (On ne peut vraiment plus rien dire, en France !), il aurait parfaitement été de mise. Il faut compléter la perspective en ajoutant que l’impact de la crise de 29 a été fort, puisqu’on constate dès 1936, que la population a diminué de quelque 1000 résidents ; sur l’ensemble du Bassin potassique, de 1931 à 36, ce sont 4000 salariés qui sont licenciés par les Mines de potasse.
- Retenons enfin le décompte des Polonais à Wittenheim proposé sur un tableau à la page 9 : 1757 en 31, 1070 en 36, 982 en 46.
- 982, c’est-à-dire 1000 mecs qui bougent dans un espace, ça peut quand même pas passer si inaperçu que ça ; Désiré Renaud trouve le moyen de ne pas en piper un mot ; donc retour à notre case départ, il y a eu en 1967 de la part de l’auteur de la chronique un choix de faire une impasse, et notre liberté consiste à répéter ici qu’il est regrettable.
- Pour finir, reste que Winnlen écrit « Chezinsky » pour Checinski : et pan, voilà le problème, si infecté ! de l’orthographe des noms étrangers posé ! Le docteur en Pharmacie Charles Sauter, chroniqueur de Wittelsheim, où il a aussi été 1er adjoint au maire, se flattait volontiers auprès de moi de savoir écrire juste (et les prononcer, aussi ?) les noms de ses patients polonais (Etait-il seulement motivé pour manifester ce respect parce qu’il avait une épouse d’origine polonaise, la fort respectée Basia ?) Nous y reviendrons, la question est vraiment assez complexe, épineuse, un vrai oursin pour l’esprit. Si je voulais rapidement (trop rapidement) la radicaliser, je pourrais la poser en ces termes, pris à Jacques Attali (Vous savez, l’homme dont on a tant dit qu’il « murmure à l’oreille des présidents ») : jusqu’où le sédentaire peut-il, veut-il, s’adapter au nomade ? Cette manière de dire a au moins le mérite, je pense, de faire sentir que le problème n’est vraiment pas spécifique aux relations polono-alsaciennes dans le Bassin potassique, mais qu’il est de partout et toujours, étant bien compris et admis que la dimension essentielle de l’Histoire, avec majuscule, est celle des mouvements de populations.
- Pour le fun (fr : « l’amusement »), encore, à la fin des fins : le hasard a quand même bien fait les choses que je tombe chez Emmaüs-Cernay (Il faut y aller, régulièrement, acheter quelque chose, même si on n’en a pas besoin !) sur le cahier de Winnlen sur la Libération de Wittenheim, alors qu’il y a peu de courtes semaines on a passé le cap des 80 ans de cette même Libération ! (On trouve toujours là-bas autre chose que ce qu’on cherche : je voulais retrouver le gros et beau bouquin, devenu de référence canonique, sur les « Malgré-nous » (c’est-à-dire les Alsaciens et Mosellans incorporés de force dans l’armée allemande à partir de 1942), de mon ami (et collègue, aux collèges Mauriac, puis Irène Joliot, de Wittenheim, justement) l’ancien 1er adjoint socialiste mulhousien Eugène Riedweg, parce que j’avais l’occasion d’en faire un cadeau d’encouragement à un jeune qui fait mine de vouloir « faire de l’histoire », eh bien il n’était plus là, il m’a passé sous le nez. Winnlen m’aura consolé, et beaucoup mieux qu’ avec un lot de consolation, mais au contraire avec une monographie abondamment documentée et judicieusement commentée, et qui sera thésaurisée en bonne place parmi mes alsatiques ; des travaux de cette qualité, il faudrait en fabriquer bien plus, sur nos patelins, c’est assurément pas la matière qui manque.
- Illustrations : a) la première de couverture du fascicule de Winnlen sur la Libération de Wittenheim ; b)la page d’introduction de l’auteur à son travail. c) photo-portrait de l’auteur, en quelle année ? (doc de son gendre Jacques Vilalta).
- Fait le 18-03-25 par fsz ; matériel protégé par le droit d’auteur (loi française du 11 mars 1957).