e-mémpol XV – Les Polonais à Wittenheim

Chez les anciens combattants Les 3 Kutermak

site-web polonais-et-potasse.com

   1) Dans la section de F68270 Wittenheim des Anciens combattants polonais, les Kutermak sont trois, ce qui n’est vraiment pas courant ! François le Jeune, son père Thomas, et son oncle François l’Ancien.

  2)  Ce dernier, né en 1895, est mort vers 1970-71. Il est arrivé en France en 26, a fait sa carrière de mineur à Anna et Théodore après une période passée en Lorraine. Ses états de service militaire, d’homme du rang, sont flous ; vu son âge, il a pu être appelé déjà pendant la guerre de 14 ; il aurait curieusement servi en Italie.

   3) Thomas (1909-69), le cadet de François l’Ancien, ne s’installe à Wittenheim qu’en 1938. Il est mobilisé dans les forces polonaises massées à Coëtquidan (dans le département français du Morbihan) ; il se bat en mai-juin 40 contre l’ennemi nazi à Narvik (nord de la Norvège), et est emprisonné en Allemagne pour toute la durée de la guerre.

   4) Précisons qu’il est glorieux d’avoir participé à la bataille de Narvik, qui est la première victoire, hélas seulement provisoire, des Alliés contre le Reich, au début de la seconde guerre mondiale. La Pologne apporte alors aux forces combattantes coalisées un contingent de 5000 hommes groupés dès février 40 au sein de la Brigade autonome de chasseurs de Podhale, commandée par le général de division Zygmunt Bohusz-Szyszko (1893-1982), pionnier de ce qui sera un peu plus tard « l’armée d’Anders », autre général polonais d’importance, à l’époque.

    5) Thomas est en fin de service sous-officier, avec le grade de sergent. Il est ensuite mineur à Théodore.

   6) Il est vice-président de la section locale des ACP, son frère aîné en est le secrétaire.

   7) Adhère ensuite à la section François le Jeune, né le 02-01-47, qui devient à son tour secrétaire, sous la présidence d’Henri Stempien, « un mécano sympa ». La nouveauté est que l’intéressé n’a jamais servi sous uniforme polonais. Comme tous ceux de sa génération, il est normalement appelé en 66 sous le drapeau français, et devient français, suivant l’expression consacrée, « par option au service militaire ». Le service est alors de seize mois. François termine comme sous-officier, avec le grade de maréchal des logis (mdl), appellation particulière pour désigner un sergent. Il est affecté dans les FFA (forces françaises en Allemagne) à Fribourg, où il sert dans le CCR253, ou compagnie chargée de la circulation routière des troupes.                           

   8) Devenu réserviste, on l’affecte, à cause de sa précieuse qualité de polonophone, dans une section chargée des interrogatoires d’éventuels prisonniers de guerre, venant évidemment de l’Est européen.

   9) Aux Mines de potasse, François est promu au statut d’employé après avoir suivi à l’Ecole des Mines de Pulversheim les formations du Cefet et de l’Etpm ; il rappelle avec un paisible sourire qu’il est ainsi contrevenu à « l’ordre ancien », selon lequel  « les Polonais sont là pour travailler, pas pour étudier ». Il vit à Jeune Bois, avec son épouse Françoise, d’origine polonaise également, née à Ensisheim. Son violon d’Ingres est l’aviculture, où ses qualités d’éleveur lui ont valu plusieurs fois d’être primé, lors de concours.

   10) François le Jeune signale par ailleurs que le patronyme  d’un sien petit-cousin, Joseph Kutermak, prêtre en Pologne, a servi, à titre d’honneur posthume, pour nom d‘une rue à Bydgoszcz (all « Bromberg », ville de Poméranie, dans l’ouest de la Pologne, « fusionnée » maintenant avec Torun, la ville de l’astronome Copernic). Parmi les particularités à retenir concernant ce parent de haute mémoire, on note : qu’il a été ordonné en 1959 à Cracovie par le jeune évêque auxiliaire Wojtyla, futur pape ;  qu’il a effectué une visite à Wittenheim ; qu’il a été formé dans le même séminaire de Cracovie, ulica (« rue ») Stradomska, que Jacek Styla, par coïncidence, pendant environ trente-cinq ans (1974-75 à 2009), aumônier des Polonais de Wittenheim, et autre connaissance de Jean-Paul II.

   11) Le moment- « Don Stanislow » ! François le Jeune a eu le privilège de rencontrer en tête à tête pendant une vingtaine de minutes Stanislas Dziwisz, le célèbre secrétaire particulier de Jean-Paul II pendant tout son très long pontificat. Il reste de cette étonnante péripétie une très belle photo faite par un photographe « officiel ». François la montre avec un sourire entendu : sacré farceur, va ! Cela s’est passé à l’archevêché de Cracovie le 07-05-09 à 9h, avec une facilité inattendue : il suffisait de s’inscrire la veille des audiences privées accordées par Son Eminence à tout un chacun (c’est-à-dire sans filtrage…en principe). Pour ce qui était du protocole de la conversation, on devait se contenter de répondre aux questions posées par le cardinal, orientées bien sûr pour permettre au visiteur de « se raconter » un minimum, à grands traits ; après quoi Dziwisz a dédicacé un livre en polonais à notre ami (sur le pape polonais et son village natal de Wadowice, intitulé « Tout a commencé ici »), et lui accordé sa bénédiction. De cet épisode, il demeure encore dans la « mythologie » personnelle de François deux éléments. D’abord, que la rencontre ne pouvait avoir lieu le lendemain, jour de la fête patronale du cardinal, parce que le 8 mai est férié. Ensuite, il convenait de ne pas se présenter les mains vides : à défaut de vin de messe, François n’avait sous la main que du muscat de Rivesaltes… breuvage plus indiqué pour l’heure de l’apéritif que celle de l’office.

   12) Un dernier point à retenir, concernant François jr : il est le tonton de Daniel Kutermak, originaire de l’Asca-Wittelsheim, qui a fait une carrière de footballeur professionnel, et que j’ai eu assez récemment l’occasion d’admirer (je le dis avec sérieux, le mot n’est pas trop fort), à distance, discrètement, comme coatch d’une équipe de minimes à Richwiller.

   13) Pour illustrer cet article, on trouvera ci-dessous :

  1. a) François junior, le 07-05-09, à Cracovie, debout, avec le cardinal Stanislas Dziwisz, ancien secrétaire particulier de Jean-Paul II ; on voit tout de suite que notre François a été un militaire : pour poser, il (re)prend la position règlementaire, ça, ça a d’la gueule ! ; nous donnons aussi cette photo dès le sommaire de notre blog.
  2. b) François jr et le cardinal Dziwisz, assis, pendant leur entretien ; les deux clichés sont pris par Tadeusz Warczak, photographe attitré de l’archevêché ; pour les comparer, François jr répète avec humour cette boutade bien connue : « Un Polonais intelligent est un Polonais assis… »
  3. c) le mdl François junior, pendant son service militaire bien français, assis (de nouveau !) au milieu de « ses » hommes, le blondinet tête nue.
  4. d) Remontons dans le temps : voici Thomas Kutermak, le père de François jr, jeune soldat polonais, en uniforme, sur une photo colorisée, indice qu’on lui accorde de l’importance, qu’on y tient, car à l’époque la colorisation constitue un luxe.
  5. e) plaque commémorative en polonais sur la tombe de Thomas Kutermak au cimetière de Wittenheim, comportant en lettres dorées l’inscription (traduite par nos soins) suivante : « A feu le vice-président T. Kutermak XIème district des réservistes et anciens combattants Salut à sa mémoire »; à notre connaissance, Thomas est le seul ancien combattant polonais de tout le district dont la mémoire a été honorée par une plaque mortuaire à poser ; généralement, les camarades se contentaient d’un geste plus éphémère, le dépôt d’une gerbe, et une formule verbale d’adieu, du genre : « Que la terre alsacienne te soit légère, salut ! »

   14) Terminé de rédiger par fsz le 13-02-24 ; matériel protégé par le droit d’auteur (loi française du 11 mars 1957).

Cette publication a un commentaire

  1. François Blaszczyk

    Encore de sacrés parcours ! De plus, nous avons été réservistes avec François Kutermak (il a eu la gentillesse de s’en souvenir, ai-je cru comprendre alors que moi j’avais oublié !) dans la même période d’instruction sur l’interrogation des prisonniers de guerre ! (stage Rensip – à Metz les 10 et 11 mai 1989) Un grand plaisir de lire son parcours !

Laisser un commentaire