e-XIV Le coin des amis

 

Le président jjw raconte (17) :

Son 1er vice-président

Pierre EGLER

est décédé

par fsz site polonais-et-potasse.com

   La semaine dernière

   1) Ce mardi 07 octobre, alors qu’il a la tête à boucler ses bagages pour un voyage de quelques jours en Crète, le Président m’a téléphoné en fin d’après-midi pour m’annoncer le décès, la veille, le lundi 6, peu de semaines après avoir fêté ses 92 ans, de son ancien premier vice-président au Conseil général du Haut-Rhin Pierre Egler.

2) Entre les deux hommes, il y a eu une coopération très longue et très étroite, et une amitié exemplaire, exceptionnelle, les a liés, en politique, et au-delà de la politique, dans la vraie vie, « ondoyante et diverse », comme aurait pu la caractériser Montaigne. De cette amitié, voici une attestation particulièrement émouvante, s’il le fallait : il y a déjà 2 ans, Pierre a fait part à Jean-Jacques de ses dernières volontés en ce qui concerne ses obsèques : le plus de sobriété possible.

3) Le Président, épidermiquement (heureusement), a tout de suite écrit un texte d’éloge du défunt. Il m’a prié (c’est réellement un honneur) de le relire, avant de le transmettre à la presse écrite locale, c’est-à-dire, on ne peut plus le cacher, au journal régional devenu unique « L’Alsace-Dernières nouvelles » ; j’ai fait le job, à ma manière, sans caresser systématiquement dans le sens du poil. Je ne suis candidat à rien, moi, je peux me le permettre

 

Non à cette arrogance !

   4) Mercredi matin le 8, alors que la famille du disparu a fait paraître un très visible avis de décès, à la personne que j’ai eue au bout du fil, à la succursale de Thann, j’ai dit, en quelque sorte en guise de remerciement : « En accueillant le texte du président Weber, vous faites votre devoir. » L’autre, à l’autre bout du fil, à ma grande surprise, ça l’a rendue hystérique : « Je publie ce que je veux ! » Et autres criailleries…

   5) Et d’ajouter : « Je ne peux pas publier votre texte sans accord de la famille. » Je réponds : « Le président vous l’apportera ce matin en personne. » Curieusement : là, dans ces nouvelles conditions, plus besoin subitement d’accord de la famille. Allez informer ce journal : j’espère qu’on vous considérera mieux que moi, pauvre intervenant lambda, qui n’a travaillé pour l’organe de presse que… 20 ans, autant dire : rien du tout…

   6) Après avoir parcouru la « nécro » qui a paru en page 18 « Thur et Doller » ce jeudi 09-10, je peux facilement poursuivre, en disant : « Vous publiez, peut-être… ce que vous voulez, mais en tout cas, dans ce cas, pas ce qu’il faut.

   7) Mais, qu’on se rassure : ce qu’il convient de publier de jjw, je le fais, moi, déjà. Nous pouvons nous passer de vous, particulièrement grâce à mon site-web. Voilà ce que votre tyrannie monopoliste va produire, le développement de médias parallèles, et vous susciterez de la méfiance et perdrez en audience. Dans l’histoire, l’hégémonie s’effrite toujours. »

   8) Elle me rétorque : « Vous pourrez toujours bien publier dans votre bulletin municipal !» Elle confond mon site avec un bulletin municipal, avec, chacun le sentira sans peine, une évidente charge péjorative, et rageuse. Lapsus révélateur ! Les communes apprécieront. Leur expression autonome, indépendante, est ressentie comme importune, leur effort pour informer. Et pourquoi pas illégitime, tant qu’on y est ?

Prévert, mais en miettes !

   9) Je reprends intégralement ce qui dans le « papier » du jeudi matin est relatif à jjw : « Ancien conseiller général pour le canton de Saint-Amarin, Jean-Jacques Weber, dans un document d’hommage qu’il nous a fait parvenir, recense, dans une liste à la Prévert, les nombreuses réalisations de Pierre Egler : l’espace naturel sensible de la tourbière du See à Urbès, la construction du collège de St-Amarin, « le premier en dehors d’une ville importante », la déviation de Saint-Amarin, le centre aquatique de Wesserling, les premiers canons à neige au Markstein, etc. »

   10) Vous avez là les restes, les miettes, un peu arbitraires, même ? de l’important relevé par le président des  grosses réalisations dues au dynamisme d’Egler. Un petit saupoudrage hâtif qui fait penser une opération-alibi : juste de quoi pouvoir dire qu’on n’a pas carrément ignoré le texte proposé, parce que ce serait vraiment trop gros.

    11) « Une liste à la Prévert » : l’expression lexicalisée exacte, sans me prendre pour Robert l’expert, est : « inventaire à la Prévert »( voir dans le recueil « Paroles », en folio) ; cette seule approximation suffit à me faire comprendre pourquoi la personne n’aime pas les profs, ce qu’elle m’a asséné tout de go quand je lui ai dit que j’en suis un, maintenant retraité (ouf, d’ailleurs…).

   12) Le président a donc, comme déjà dit,  porté lui-même son texte à l’agence de Thann, ce qui prouve qu’il ne prend  vraiment pas les gens de haut, vu ses états de services. Il me relate brièvement l’entrevue : quand ladite personne a vu les tirets utilisés au début de chaque paragraphe, elle a dit qu’elle ne publie pas de dialogue. Comme si ce signe était forcément un marqueur d’échange de répliques ! En tout cas, c’est un second indice que la rigueur culturelle n’est pas au rendez-vous…

   13) Le troisième indice du genre est que l’auteur de l’article ne prend même pas la peine de mentionner que jjw a été président du Conseil général, et pas seulement conseiller général : ignorance, négligence, ou provocation ?

   14) Ci-dessous, voici, donc, reproduit intégralement, cet hommage. N’importe qui fera facilement la comparaison entre les scories du journal et la copie originale livrée, cela se passe de commentaires. On est simplement outré d’un si mauvais traitement, par quelqu’un qui aurait dû considérer un peu mieux la contribution, et en plus purement bénévole et désintéressée, d’une telle personnalité, sans doute la plus autorisée à s’exprimer en la circonstance!

« Pour saluer Pierre Egler !

   16) Un lutteur, qui s’était battu jusqu’à la fin, mais qui a dû s’avouer vaincu, pour une fois, la dernière. Pierre Egler ? L’homme aux 113 casquettes. L’élu de notre vallée qui aura tout fait. « Je voulais faire de cette vallée une vallée vivante, moderne, expérimentale dans de nombreux domaines ! », écrivait-il dans un de ses ouvrages.

   17) Les anciens se souviennent certainement de cet homme avec émotion et sans doute admiration. Les plus jeunes ne peuvent pas savoir comment, aujourd’hui encore, son action est présente presque à chaque moment de la vie de chacun !

   18) –Tu veux aller au Markstein, sans le savoir, tu prends « la route Egler » qu’il a créée, partant de rien !

   19) – Tu aimes les oiseaux et les zones humides ? Le See d’Urbès a été sauvé de la vente grâce aux efforts de Pierre Egler.

   20) – Tu fais du ski ? Les premiers canons à neige ont été mis en place par le même Pierre Egler, alors président de la Com-Com.

   21) – Tu étais élève au collège de Saint-Amarin : Pierre Egler avait fait adopter par le Conseil général la réalisation de ton établissement, le premier en dehors d’une ville importante !

   22) – Saint-Amarin : une déviation dont on ne pourrait plus se passer aujourd’hui, mais Egler, qui avait sonné à toutes les portes pour obtenir les financements nécessaires, fut accusé de tous les maux et il y eu même des manifestations contre cette réalisation…

   23) – Tu aimes faire du vélo sur la piste cyclable ? Lui aussi ! Et il pédalait ferme !!!

   24) – Tu nages ou tu plonges ? Il avait fait construire la piscine de Wesserling, grand et petits bassins !

   25) – Tu montes à Goldbach ou à Geishouse ? Ces routes étaient en 1964 encore, des chemins à peine carrossables, comme Mollau-Storckensohn… Presque inimaginable aujourd’hui…

   26) – Tu connais le parc de Wesserling ? Pierre Egler avait convaincu le président Goetschy, mon regretté prédécesseur, et le Conseil général de le racheter pour éviter sa vente par lots. Avec la plupart des actifs industriels de la Manufacture d’impression de Wesserling (MIW).

   27) – Tu te plains des difficultés de la circulation sur la RN66 ? Le projet de déviation mis au point par cet élu constructeur et batailleur : une première tranche du Gehren à Moosch jusqu’au Super U de Bitschwiller, contournant Willer et Bitschwiller, avait été approuvée par les maires des communes concernées et l’argent était disponible notamment grâce à des crédits européens. Nous avons perdu cette bataille avec lui, toi et chacun, de cette vallée, petit ou grand… et la 66 en est toujours, lamentablement, un couloir à camions à travers chaque commune !

   28) Pierre Egler vient de finir ses jours à l’hôpital Saint Vincent d’Oderen, une institution qui n’existerait plus sans son action, son acharnement, sa force de conviction, en fait son hôpital, pour tous les gens de la vallée.

   29) Peut-être, lecteur, connais-tu un peu mieux Pierre Egler à travers ces quelques lignes qui ne se veulent en aucun cas un panégyrique. Mais juste un rappel de ce que fut l’ancien maire d’Oderen, pendant 27 ans, l’ancien premier vice-président du Conseil général du Haut-Rhin, conseiller général pendant plus de 35 ans du canton de Saint-Amarin, président-fondateur de la Communauté des communes de la vallée.

   30) Sans polémique, sans amertume, mais avec la fierté d’avoir été son ami : il a fait de grandes et belles choses ! Et il mérite notre reconnaissance et notre respect !

   31) Jean-Jacques Weber »

   32) Que retenir de ce révélateur épisode, pour la mémoire de jjw ? Une fois encore, une fois de plus, que son ancien employeur, et la plupart de ceux qui le servent ou l’ont servi, ne pardonnent toujours pas à l’enfant de Moosch l’ éblouissante ascension qui a été la sienne dans le cursus honorum . La moindre occasion reste bonne pour le minimiser, l’occulter.

Sourdes et sonores

   33) Comme tant de gens qui l’ont croisé, rencontré, côtoyé, j’ai moi aussi, quelques souvenirs personnels de Pierre Egler, auxquels je tiens, à la fois parce qu’ils sont miens, et en plus symptomatiques. En voici cinq, pour ajouter au portrait du défunt, en guise de critique et d’éloge à la fois.

   34) Dans la soirée du 1er tour des cantonales de mars 1976, Egler, fort entouré d’ailleurs, débarque à Wittelsheim au quartier général du conseiller général sortant  et candidat, centriste, pour un second mandat, dans le canton de Cernay, notre ami commun le toujours très regretté Dr Gilbert Michel, et tonitrue le dernier coup de théâtre des résultats : « Vraïzzzmoud ze rrredirrrr ! » Pour : « Freismuth se retire ! » (dans le canton de Rouffach, Maurice Freismuth, un notable typique du gaullisme départemental d’après-guerre, ancien maire du chef-lieu, et conseiller général de 51 à 76). Je suis abasourdi. Non par l’info. Mais par l’accent. Avec le même défaut que celui de Benoît XVI le Bavarois dans son italien pontifical, une confusion jamais surmontée des consonnes sourdes et sonores, pointerait le phonéticien de service (notamment et précisément «  p-t-k » pour « b-d-g », et inversement), et de la rudesse énonciative en plus, évidemment. Egler : un morceau brut du folklore alsacien linguistique ambulant ! A lui seul tout un étendard claquant aux vents (contraires) de notre régionalisme si cher !

Lecanuet à Mulhouse

   35) Voici mon second souvenir. Autour de la rentrée parlementaire d’octobre 1973, six mois après les premières législatives que j’ai suivies avec attention et parti pris, je venais d’avoir 18 ans (comme  le chantait inoubliablement  Dalida, la « diva »), nous avons eu droit, à Mulhouse, au parc des expositions à l’époque sur la place du 14 juillet, durant 3 jours (vendredi, samedi, dimanche), à un véritable événement politique, une Convention nationale du Centre démocrate (ou CD), alors dans l’opposition à la majorité  du président (postgaulliste) Pompidou, en présence de Jean Lecanuet, président-star, en personne. J’y ai assisté, comme délégué benjamin du Haut-Rhin, encarté depuis 3 mois, mon adhésion ayant fait office de cadeau d’anniversaire. Cela a été pour moi une révélation : la « grande » politique parisienne, que je pouvais tout à coup appréhender de près, délocalisée chez nous, parmi nous, le temps d’un week-end. Les radios et les télés et télex étaient là, semblant danser un ballet, les photographes et sténodactylographes, et vigiles, que c’en était grisant.  Le CD avait assez d’élus (34), il en fallait au moins 30, pour constituer à l’Assemblée de plein droit un groupe autonome et indépendant, avec les facilitations de présence dans le débat national que cela entraînait. Tous les caciques et ténors du groupe étaient présents, s’illustrant les uns après les autres au micro, l’avocat André Diligent, sénateur du Nord (parangon d’insolence institutionnelle pour avoir osé menacer Chaban-Delmas 1er ministre (selon l’hebdomadaire « L’Express », peut-être à son meilleur, dans ces années-là), sur des écoutes téléphoniques, ou sur sa feuille d’impôts, toutes deux douteuses : « Ou vous dites clairement au pays ce qu’il en est réellement, ou je monte à la tribune du Sénat et je le dis ! », Dominique Pado, sénateur de Paris, journaliste à « L’Aurore », heureux dans le maniement du  sarcasme (A l’occasion du premier  « choc pétrolier », qui était en train de se produire, un quadruplement des prix) : « Et le pétrole est devenu l’essence même de notre politique ! » Applaudissements à tout rompre de la salle bondée, j’ai adoré !  le journaliste Jean-Marie Daillet, député de la Manche, le sénateur René Monory, le fondateur du « Futuroscope » de Poitiers, surnommé « le mécano de Loudun », Pierre Abelin, le solide et influent secrétaire général, et homme fort de Châtellerault, Adrien Zeller (Saverne) et Jean-Marie Caro (Molsheim), qui venaient chez nos voisins (et amis, bien entendu) du Bas-Rhin de conquérir chacun une circonscription au printemps précédent ; il n’a manqué, je me demande encore pourquoi, qu’Alain Poher, le président du Sénat, second dignitaire de l’Etat, qui s’est fait une spécialité des intérims de la Présidence de la République (Ne le brocardait-on pas : « Un ptit intérim par ci, un ptit intérim par là, ça finira bien par faire un septennat… » (La Vème n’en était pas encore au quinquennat). Quel beau monde, que du beau linge. Le maire de Mulhouse Emile Muller, démocrate social, est venu (Il savait pourquoi, il ne pouvait pas faire moins.) souhaiter bon succès aux Conventionnels dans leurs travaux.

   36) Et le régional de l’étape, le sénateur-maire de Thann Pierre Schielé, licencié en philo, a présenté, d’entrée de jeu, immédiatement après le mot d’ouverture, avec forcément la confiance du président, agrégé de philosophie, même plus jeune agrégé de France en 1942, à 22 ans, « la plate-forme doctrinale » du mouvement ; il a été impérial ; je choisis à dessein cet adjectif, pour m’amuser, comme d’habitude ; m’amuser que René Waechter, du service de politique régionale à « L’Alsace », quand en 77 Schielé a succédé au ministre gaulliste bas-rhinois André Bord à la tête du Conseil régional, a en effet trouvé, au nouveau patron à l’assemblée de Strasbourg, et avec un empressement non dissimulé, « un profil de proconsul romain » ( et dessin de presse à l’appui, en plus, figurez-vous ! Et pourquoi ne pas mettre Schielé, tant qu’on y était, dans une bd d’Astérix ?) ? Bref, l’orateur, reconnu jusque par Giscard (ironiquement ?), (« Tout dans la tchatche. », m’a dit un jour jjw de son mentor.) s’est montré dans un de ses grands jours, livrant à mon sens le discours le plus accompli que je l’ai entendu prononcer, avec sa fameuse maîtrise, son étonnant brio, son irrésistible aplomb. J’étais absolument conquis : voilà l’homme qui enfin édictait, et clairement, les principes salvateurs d’une France meilleure ! L’enthousiasme de mes 18 piges, que voulez-vous ! Ca planait haut. On est marqué à vie… qu’on le veuille ou non… Nostalgie, forcément. Une fois qu’on a goûté à cette qualité-là, on devient difficile, vraiment difficile, parce qu’on sait que l’excellence, ça existe vraiment, et du centrisme qu’il peut être synonyme de pensée, et non pas toujours de brouillard et d’échappatoires.

   37) Tant de considérations préalables, je sais, je sais, pour en venir enfin au fait : cette Convention a eu son franc-tireur, son sniper, son artificier, en l’occurrence un certain Pierre Egler, qui a hautement et publiquement été le premier à s’enhardir à demander à Jean Lecanuet, tout prestigieux et auréolé  (depuis son score de 15% au 1er tour de la présidentielle de 65, qui a contribué à un fait en effet mémorable, la mise en ballotage de De Gaulle), couramment appelé « le roi Jean » dans les couloirs, des comptes de ses allées et venues pendant l’entre-deux-tours de l’élection de mars précédent, où on a colporté, avec insistance, que par les portes de service il a négocié son éventuel ralliement au chef de la majorité sortante, le second 1er ministre de Pompidou Pierre Messmer (Cela est d’ailleurs confirmé dans sa notice biographique dans l’encyclopédie « Wikipédia »). Cette mise en cause était pour lors une vraie bombe ! Lecanuet a immédiatement bondi comme un diable à ressort hors de sa boîte, pour nier l’accusation, indigné au dernier degré d’un tel affront (mais sans être réellement convaincant, noyant tant bien que mal le poisson…) Voilà Egler, dans un contexte où il allait devenir un fauteur de scandale, et il le savait bien, devant un auditoire consterné, mais intraitable sur la clarté politique, s’élevant contre la moindre suspicion de duplicité ; notre Egler, tout juste jeune quadra, en électron libre, s’est offert le luxe d’un crime de lèse-majesté !

   38) Lecanuet, dit « le Kennedy français », avec son fameux sourire « américain » qui recueillait sans coup férir le suffrage particulier des électrices, était certes un leader qui avait de l’allure, de la présence (Je n’irai pas jusqu’à dire du charisme, vocable si galvaudé maintenant, surtout par l’Eglise, car par nature le centrisme est mou et fuyant, et parce que je souhaite de la radicalité et de la constance.). Mais j’ai quand même une chose contre lui, le grand potentat rouennais, la manière discutable et d’ailleurs fort discutée dont il s’est fait enterrer, qui n’a pas été précisément un modèle d’humilité et de modestie (chrétiennes, de la part d’un homme pourtant réputé pieux et dans ses dernières années souvent recueilli).

Le grand écart ?

   39) Mon troisième souvenir d’Egler est celui de sa caractéristique la plus problématique, la plus difficile à vivre, et que, curieusement, amnésie sélective ? plus personne ne rappelle aujourd’hui. Il a appartenu à un parti de droite (car, à la fin, le centrisme français tombe toujours à droite ; rappelons à ce sujet le mot impitoyable de François Mitterrand, à qui ont demandait un jour : – Et le Centre ? –Ni de gauche, ni de gauche. Et en effet, tout me semble ainsi dit, dans cette mortelle sentence.  « Tonton Mimi » pouvait avoir le coup de croc meurtrier, ce qui a été si bien exploité par l’humoriste Thierry Le Luron, au début des années 80). Et, contradictoirement ( ?), il rallié un syndicat, la CFDT, issue d’une scission de 1964 d’avec la CFTC, qui se déclarait réformiste de gauche. L’incompatibilité prétendue de cette double appartenance était quotidiennement reprochée à Egler, et il lui fallait une « résilience » vraiment « héroïque » devant l’incessant assaut des critiques. S’il devait y avoir un Egler auquel je serais attaché plus qu’à un autre, ce serait celui-là, celui qui pendant une période très forte de sa vie, a cru pouvoir contribuer à implanter dans le jeu politique français une vraie composante de centre-gauche, consistante et influente. Moi aussi, j’ai caressé cette utopie, à la suite de certains de mes devanciers. En vain : je répète, en France le centre tombe toujours à droite. Gros spleen.

   40) Mon quatrième et avant-dernier souvenir du jour consisterait à rappeler que dès le printemps 1977, avec une délégation du Conseil municipal nouvellement élu de Wittelsheim, formée par le maire René Arnold (centriste, lui aussi, et dont le grand-oncle Eugène Arnold avait été abbé à Oderen, commune du maire Pierre Egler,  tout justement), nous avons répondu à un appel de ce dernier à manifester, à Malmerspach, pour exiger la mise urgente sous contrôle de l’Etat de la célébrissime collection d’automobiles des frères Schlumpf, aujourd’hui musée national, et qui assume une part très déterminante de « l’attractivité » touristique de Mulhouse.

   41) C’est ce qui me conduit à considérer qu’en définitive Egler était fondamentalement un militant, quelqu’un qui avait la guéguerre dans ses gènes, et qui le travaillait en permanence, en faveur de quelque cause jugée belle et bonne.

   42) Aujourd’hui, hélas, dans le personnel politique en place, je ne vois plus guère d’élu local bâti sur le patron d’Egler. Ma rose ultime, du rouge le plus rouge, sur son cercueil sera donc de dire, en m’inclinant : des types comme lui, il nous en faudrait plus ; rugueux certes, mais convaincu, réellement convaincu, profondément, éperdument convaincu. Avec des initiatives et des résultats.

   43) N’est-ce pas en effet le relativisme, l’absence de conviction réelle, qui fait aujourd’hui ressembler notre République à un poisson, dont on sait pourtant bien qu’il commence toujours par pourrir par la tête ?

   44) Requiem pour une espèce en voie de disparition. Misère.

   45) Et je vous fais grâce du détail d’un cinquième souvenir qui me reste, celui d’Egler au bas du pont SNCF de Richwiller (j’habitais à quelques mètres), pour construire une piste cyclable sécurisée ; subventionneur irascible mais généreux ; en quelques minutes, il a pris la mesure des nécessités, et il a lâché 80 « bâtons », 800.000 francs, une somme ! et ainsi l’équipement a été réalisé, et dans les meilleurs délais,  et comme il fallait !

   46) Pour illustrer cet article : photos de Pierre Egler, en 1ère  et en 4ème de couverture de ses mémoires « 60 ans au service des autres », août 2016 ; une écriture pas très académique, mais d’ardente et décapante authenticité ; un document à mes yeux de grande valeur car il permet une très utile « étude de cas » sur le thème : comment se débrouille-t-on, pour assumer des responsabilités sociales importantes, quand on n’a pas vraiment été préformaté par l’Ecole pour le faire, quand on n’est pas fils des classes dominantes ? Pour compresser le tout, je dirais que l’histoire d’Egler est celle d’un solliciteur, devenu décideur, et gestionnaire ; belle histoire, de citoyenneté, en vérité…

   47) Fait par fsz, le vendredi 10-10-25, jour de l’entrée de Robert Badinter au Panthéon ; pauvre Badinter, à la tombe profanée, et qui plus est introduit et récupéré par un Macron ; même la gauche, laïque, a besoin de « saints » ; là elle est servie ; en effet, Tonton Mimi très florentin ne disait-il pas : « Pour le droit j’ai Badinter, et pour le tordu j’ai Dumas. » ? matériel protégé par  le droit d’auteur (loi française du 11 mars 1957). 

Cette publication a un commentaire

  1. Szulc Francis

    1) Hier, vendredi 17-10, je prends des nouvelles (qui sont très bonnes!) du président au retour de son voyage d’agrément en Crète, et je lui rappelle de prendre connaissance ce que j’ai fait de son hommage à Egler en son absence sur mon site.
    2) J’ai la joie dans la soirée de lire de sa part la réponse suivante:
    3)  » Liawer Herr Brofasser! J’ai tout lu, tout dégusté, même vos imprécations contre les sabotrices de ce qui prétend rester un journal!
    4) Et puis ces souvenirs d’Egler, souvenirs venus de très loin, de Lecanuet à Diligent en passant par l’incontournable Pierre Schielé, tout ça pour aboutir à un Egler « casse-burettes » toujours droit dans ses bottes!
    5) Un remarquable défoulement philosophiquement historique et fichtrement intéressant! »
    6) Le président, au naturel, ne fait pas souvent des compliments; raison de plus, pour moi, quand j’en reçois, de les publier de joie urbi et orbi, comme je le fais ici! Et re: joyeux merci! fsz

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