Chanté à Thierenbach
Le «Magnificat »
royal de Victoria


par fsz site polonais-et-potasse.com
- Subjugué suis. Chaque fois que je l’écoute, ou seulement l’entends, le Magnificat, ton G, ou royal, de Victoria, c’est plus fort que moi, subjugué je suis, avec le sentiment, d’ailleurs partagé par des quantités de gens, que la foi catholique est là exprimée de la façon la plus absolue qui se puisse!
- En 1979, pour contribuer à la restauration de la basilique, ensuite si magnifiquement exécutée, le recteur d’alors du pèlerinage de Thierenbach, l’abbé (+) Gérard Sifferlen, a fédéré toutes les chorales du secteur, jusqu’à 300 voix ! d’amateurs, et trices, bénévoles ! autour de l’enregistrement d’un disque vinyle 33 tours à la gloire de la Vierge. On peut dire que la mise en œuvre d’un tel projet, inédit, inouï, a constitué un gros événement, spirituel, culturel, artistique, dans le coin.
- L’ouvrage comporte 10 plages sur sa face A, et 7 sur sa face B ; pour moi, le magnificat (où Sifferlen lui-même, d’ailleurs, chante le petit solo), logé en B5, d’une durée de 4 minutes 41 secondes, constitue évidemment le sommet de l’ensemble.
- Si je donne à écouter ce cantique, qui n’a rien de spécifiquement polonais, sur ce blog particulier, c’est qu’il me semble admirablement refléter toute l’extraordinaire force inspiratrice du lieu sur ses visiteurs ; à Thierenbach, nolens volens, on est pris, aspiré par un charme ; les annales du sanctuaire sont constellées de célébrations d’un souffle supérieur, et, je trouve, qu’on comprend mieux, après écoute, que Thierenbach a tant attiré aussi les Polonais, qui s’y sont sentis comme dans un refuge. Thierenbach, c’est là que depuis la terre si basse aux déracinés et ses misères on monte très haut vers le Ciel. Combien, à Thierenbach, sont entrés visiteurs, et sortis pèlerins ! Entre les deux, quoi ? Marie, celle par qui l’absolu arrive ; on n’a plus à chercher, on a trouvé, on y est.
- A ma demande, c’est mon pote François Blaszczyk qui a effectué la numérisation de l’enregistrement original (Pour mieux faire connaissance avec lui, sur ce blog, un article, notamment, est consacré à son disque compact « Emois et vous » ; se servir de notre moteur de recherche.).
- Dans « L’Alsace du lundi » 12-05-80, dans une page entière consacrée à Thierenbach sous le titre « 1250 années du pèlerinage », Jean-Marie Schreiber, photoreporter plus d’une fois complice de mes articles, ce dont je m’honore, je ne rate pas une occasion de le dire, indique combien le disque a eu de succès, un second pressage s’étant bientôt révélé indispensable pour satisfaire la demande, dès 1980, après plusieurs milliers d’exemplaires déjà vendus, sans compter les cassettes à bande dites « K7 ».
- N’empêche : allez donc vous en procurer un aujourd’hui, sur le marché de l’occasion ! c’est devenu un « introuvable », un album de discophiles, une rareté « hyper collector » (= en français non délirant : un objet de collection) ! Ce serait une grande joie que dans les temps qui viennent l’enregistrement, d’une manière ou d’une autre, puisse à nouveau être facilement goûté du grand public.
- J’ai pourvu à cet effet l’actuel bienveillant recteur du pèlerinage Patrick Koehler, apparemment dépourvu d’archives, d’une copie intégrale numérisée du disque, à charge pour lui de lui donner la rediffusion qu’il pourrait juger bonne; sur notre site mémpol, il n’y a, avec évidemment l’autorisation écrite dudit recteur (Qu’il en soit ici vivement remercié !), que l’échantillon du « Magnificat », pour « donner envie », suivant une expression assez à la mode en ce moment, donner envie, à qui voudra, tout homme de bonne volonté, tout simplement de s’ouvrir, à certaines richesses de la vie sociale alsacienne, et, en l’occurrence, à celles aussi provenant de l’Eglise catholique régionale.
- Attention : l’auteur, Tomas Luis de Victoria (ou, à l’italienne : « Vittoria ») n’a pas écrit qu’un seul « Magnificat », mais carrément 16 ! recourant naturellement au style grégorien, sur paroles latines. Celui interprété sur le disque est le plus connu, dit « du ton royal », ou « ton G ». Prêtre, et organiste, Victoria (1548-1611) est considéré comme le compositeur, de musique sacrée, le plus illustre de la Renaissance espagnole. La musicologie considère généralement cette version comme « stabilisée » au début du XVIIème siècle, sous Louis XIII.
- Le « Magnificat » (« anima mea Dominum » ; fr : « Mon âme exalte le Seigneur ») est aussi appelé « Cantique de Marie » ; on le repère encore aux paroles « Beatam me dicent » (fr : « Tous les siècles me diront bienheureuse. »).
- Le célébrissime cantique est souvent entonné debout, à la fin des Vêpres. Pour l’essentiel, il porte le message suivant : Dieu défend les faibles contre les forts. Il est inspiré par l’Evangile de St-Luc (Lk, chapitre 1, versets 46-55, dont on trouvera le texte précis ci-dessous). Marie, vierge, pourtant enceinte de Jésus, rend visite à sa cousine Elisabeth, âgée et stérile, et pourtant enceinte de Jean-Baptiste ; l’épisode est couramment dit de « La Visitation », ou des deux grossesses miraculeuses ; elle est fêtée à la fin du mois dit de Marie, le 31 mai ; le chant développe le propos, de louange et d’action de grâce, de la Vierge, parce qu’elle a été choisie pour enfanter le Sauveur.
- La conversion du grand Claudel ! (1868-1955) Elle est très connue, en particulier par les amateurs de littérature française. Le jour de Noël 1886, en assistant « en curieux » (sic) aux vêpres dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, tout à coup la foi habite intensément notre Paul de 18 ans, et pour toute son existence, et pour en faire un de nos plus grands et fervents écrivains catholiques. Dans son récit de cette circonstance, le petit frère, eh oui ! de Camille Claudel (1864-1943), la grande sculptrice internée, ajoute une précision que je trouve « hénaurme » : « Les enfants de la maîtrise (…) étaient en train de chanter ce que je sus plus tard être le « Magnificat ». Et donc je crois que nous nous trouvons pris par une question fascinante : est-ce que le magnificat a eu un rôle dans cette conversion, et si oui, lequel ? En tout cas, la simultanéité, la coïncidence des deux, est troublante, et pour moi elle rehausse encore le prestige liturgique de ce chant. Quelle belle histoire, vraiment ! Belle, et peut-être même édifiante…
- La seule interprétation de ce magnificat à laquelle je me sens obligé de concéder, tout chauvinisme alsacien mis à part, qu’elle peut nous imprégner de sa puissance et de sa grandeur encore plus que celle du disque de Thierenbach, se trouve sur un cd des justement bien nommées « Grandes heures liturgiques à Notre-Dame de Paris », où la Maîtrise de la cathédrale est accompagnée par Pierre Cochereau aux grandes orgues, dans un enregistrement de 1973 ; trouvez cela sur youtube, comme du reste d’autres prenantes prestations, et vous conviendrez sans doute qu’il s’agit d’un sommet. Thierenbach n’est quand même pas la cathédrale de la capitale, me direz-vous ; et je vous rétorquerai : mais la basilique aurait-elle besoin de l’être ? Moi, je trouve qu’elle suffit, et qu’il n’y a pas besoin d’y changer quoi que ce soit, pas même, peut-être, de redorer les ferronneries des bancs ; encore que : j’ai pris le temps de bien regarder l’ouvrière à genoux qui ces derniers jours maniait le pinceau pour ce faire ; j’ai instantanément trouvé qu’elle faisait plus que peindre avec soin, elle peignait, en ce début de Carême c’est tout à fait de mise, comme on prie ; comme, aussi, une action de grâce à Marie, qui, la moindre ligne que j’écris, moi, est une offrande, j’en suis persuadé, a empêché que je périsse carbonisé dans un incendie à Strasbourg, il y a 49 ans ; oui, j’ai avec jp2, certain que la balle fatale de la place St-Pierre en mai 81 a été déviée, pour finir offerte à la Bonne Mère par le rescapé sertie dans la couronne de sa statue à Fatima, j’ai donc avec lui, entre autres, ce point commun de croire que j’ai été délibérément épargné (dans quel but ? fabriquer mémpol ? mémpol une mission ?) ; autrement, j’y serais resté, c’est gros comme le nez au milieu de la figure, d’abord asphyxié, puis sans doute calciné, il était vraiment moins une ; j’y reviendrai, plus en détails, car mon comportement en cette circonstance me laisse encore perplexe, comme guidé ; voilà donc où, par simple association d’idées, peut nous mener le magnificat, aux pouvoirs miraculeux de la Vierge, et à ce à quoi chacun d’entre nous est destiné ; moi, j’aimerais bien pouvoir finir mémpol avant de quitter ce monde, monde misérable, qu’on a cependant tant de mal à quitter ; mais finit-on jamais d’écrire l’histoire, ou à tout le moins d’y réfléchir ? mais ne dois-je pas envisager de tout laisser sans avoir achevé ? Accepter, comme l’académicien Jean d’Ormesson (que j’ai cessé de croire seulement cabotin et mondain quand j’ai eu sous les yeux de ses réflexions sur Bossuet, vraiment creusées, étonnamment distinguées.), en titre d’un de ses romans (en 2013) : « Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit. » ? Illustres références, encore plus : Moïse a réussi la sortie d’Egypte, mais il n’a pas pu entrer dans la Terre promise ; plus près de nous : un seul pape n’a pas suffi au dernier Concile, il en a fallu deux… Le cas échéant, il faudrait donc bien que je me fasse une raison, et que je lâche prise, si difficile que cela me soit, avec le naturel que j’ai ; je suis astrologiquement du Cancer, et ne dit-on pas du Cancer, autrement dit du crabe, qu’il préfère perdre une de ses pinces plutôt que de lâcher sa proie ?
- Une interprétation « didactique ». Comme ancien prof, je me sens tenu, en outre, de ne pas passer sous silence une autre version, sur disque encore, celle de l’Ensemble vocal Saint-Séverin, publiée en 1996 par les éditions du Pékinois, avec un album rassemblant « Les plus beaux chants de messe ». Victoria du ton royal y est restitué dans un tempo lent, pour ainsi dire didactique, avec une diction particulièrement claire, attentive, rigoureuse. Nous aimons beaucoup ce grégorien d’abord plus sympathique qu’à l’ordinaire, à portée de pèlerin moyen, quoi, et pas d’abord austère et distant.
- Le « Magnificat » royal de Victoria chanté de surcroît chez les Polonais du Bassin potassique. Il a été entonné par « Lutnia » (fr : « le luth »), une vaillante chorale paroissiale polonaise du Bassin potassique, renforcée par la chorale locale « Ste-Cécile, en l’église Sts Pierre et Paul de la cité minière bicommunale de Rossalmend, le matin du dimanche 26-08-90, à l’occasion des noces de diamant (60 ans de mariage !) des époux Joseph Peplinski. Joseph, dit affectueusement « Pep », mort plus que centenaire, n’était pas un mineur polonais retraité quelconque de Wittelsheim-Staffelfelden, mais le chef de chœur fondateur de « Lutnia » en 1927, un bénévole exemplairement investi depuis les débuts de l’immigration, totalement dévoué à son art, extraordinairement méritant ! Le choix d’un musicien connaisseur comme lui, de faire interpréter ce chant marial, plutôt qu’un autre, au cours de cet office pas tout à fait de routine pour lui, c’est le moins que l’on puisse dire, a donc un sens religieux d’un grand relief, et ce d’autant plus qu’à cette date du 26-08 est fêtée dans le calendrier liturgique catholique la Vierge noire nationale des Polonais, celle de Czestochowa (voir nos articles à ce sujet sur ce blog).
- Un enregistrement de cette messe « de diamant » a été réalisé sur bande VHS, par mon ex-épouse Nicole Meslin, et il est disponible dans la rubrique « Vidéos » de ce blog ; le magnificat y occupe 4 minutes 30 secondes (début à 7 minutes 38 secondes et fin à 11 minutes 8 secondes), où les choristes « polonais » du cru, avec leurs moyens, nous apparaissent dans toute leur authenticité, saisis par la solennité du moment… Et il est donc tout à fait réjouissant de disposer d’un tel document, en fait exceptionnel à l’époque, dans le contexte de la communauté polonaise !
- Pour ceux qui voudraient à présent, peut-être, continuer leur aventure avec le magnificat en dehors de Victoria, je leur recommande très chaudement d’écouter le « Grand Magnificat à 8 voix » pour solistes, deux chœurs et orchestre enregistré par le label de disques Erato, en 1963, avec l’orchestre Jean-François Paillard, sous la direction de Louis-Martini ; il s’agit d’une composition de Marc-Antoine Charpentier (1643-1704, oui, celui même du fameux « Te Deum » devenu indicatif de l’Eurovision, en son temps), orfèvre du grand motet versaillais sous notre glorieux Roi-Soleil Louis XIV, aux séductions opulentes duquel je ne cesse de succomber depuis mon jeune temps, je l’avoue ; au verso de la pochette du 33 tours, le musicologue de service nous dit, on ne peut mieux dire, qu’il s’agit d’un magnificat qui témoigne d’une France « de marbre blanc » (sic) : solennité et majesté garanties!
- Magnificat : le texte en latin
- « Magnificat anima mea Dominum, / Et exultavit spiritus meus in Deo salutari meo. / Quia respexit humilitatem ancillae suae, / ecce enim ex hoc beatam me dicent omnes generationes. / Quia fecit mihi magna qui potens est : / et sanctum nomen ejus. / Et misericordia ejus in progenies timentibus eum. / Fecit potentiam in brachio suo : / Dispersit superbos mente cordis sui. / Deposuit potentes de sede, / et exaltavit humiles. / Esurientes implevit bonis : / Et divites dimisit inanes. / Suspecit Israël puerum suum, / recordatus misericordiae suae. / Sicut locutus est ad patres nostros, / Abraham et semini ejus in saecula. / Gloria Patri et Filio / et Spiritui Sancto. / Sicut era in principio, et nunc, et semper, / et in saecula saeculorum. Amen. »
- Magnificat : une traduction en français
- « Mon âme exalte le Seigneur, / Exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! / Il s’est penché sur son humble servante ; / désormais tous les âges me diront bienheureuse. / Le Puissant fit pour moi des merveilles : / Saint est son nom ! / Son amour s’étend d’âge en âge / sur ceux qui le craignent. / Déployant la force de son bras, / il disperse les superbes. / Il renverse les puissants de leurs trônes, / il élève les humbles. / Il comble de biens les affamés, / renvoie les riches les mains vides. / Il relève Israël, son serviteur ; / il se souvient de son amour, / De la promesse faite à nos pères. / en faveur d’Abraham et de sa race, à jamais. / Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, / Maintenant et à jamais, / dans les siècles des siècles. Amen. »
- Magnificat : la source biblique :
L’Evangile selon saint Luc (I, 46-55.)
- « 46 Et Marie dit : Mon âme exalte le Seigneur, 47 Et mon esprit se réjouit en Dieu, mon Sauveur, 48 Parce qu’il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante. Car voici, désormais toutes les générations me diront bienheureuse. 49 Parce que le Tout Puissant a fait pour moi de grandes choses. Son nom est saint. 50 Et sa miséricorde s’étend d’âge en âge Sur ceux qui le craignent. 51 Il a déployé la force de son bras. Il a dispersé ceux qui avaient dans le cœur des pensées orgueilleuses. 52 Il a renversé les puissants de leurs trônes, Et il a élevé les humbles. 53 Il a rassasié de biens les affamés, Et il a renvoyé les riches à vide. 54 Il a secouru Israël, son serviteur. Et il s’est souvenu de sa miséricorde. 55 Comme il l’avait dit à nos pères. –Envers Abraham et sa postérité pour toujours. »
21. En illustration : a) le recto du disque de Thierenbach ; b) son verso ; c) le recto du cd parisien évoqué en 13).
22. Fait le 13-03-25 par fsz, jour du 12ème anniversaire de l’élection de l’actuel pape François, bien âgé pour un pape, malade, fort diminué, à qui je dédie particulièrement, avec la plus grande sympathie, cet article, tout en m’interrogeant sur le bilan (concret) de son pontificat (Autant en matière de doctrine que de pratiques, des vaticanistes avisés disent, sans originalité, évidemment dans la perspective d’un conclave imminent, qu’il aura « écrit sur le sable », alors qu’à Rome il convient de « graver dans le marbre ».) ; en 1977, c’est aussi le jour où j’ai été élu, dès le 1er tour, au redoutable scrutin « avec panachage », au Conseil municipal de Wittelsheim, benjamin de cette assemblée, à moins de 22 ans ; matériel protégé par le droit d’auteur (loi française du 11 mars 1957).
