L’association humanitaire « Amitié franco-polonaise » - AFP,
par fsz site polonais-et-potasse.com
1) Eh bien, grande dame, qui êtes bénie entre toutes les Polonaises, voici venu le jour de concocter votre panégyrique ; je vous le fais selon ma recette particulière, avec d’office un peu de vinaigre, à titre de clin d’œil, évidemment…
2) Il paraît que Pompidou appelait son protégé le jeune Chirac « mon bulldozer », parce que rien ne l’arrêtait et parce qu’il ne s’arrêtait jamais. Je peux alors tranquillement vous dire que Bella, la présidente d’AFP, aura été, pendant son long « règne », le bulldozer des Polonais ; elle a déployé au service des plus démunis une activité, il n’y a vraiment pas d’autre mot, surhumaine.
3) Un des curés successifs des Polonais de Wittenheim, (+) Jacek Styla, mon très regretté ami, comme effrayé, complètement dépassé, m’a d’ailleurs dit, en guise d’éloge : « Moi, si je devais faire seulement le dixième de ce qu’elle fait, je préférerais qu’on me tue tout de suite sur place ! »
4) Eloquente louange ; mais à la course aux éloges, il ne savait pas, mon cher Jacek rigolard, qu’il a été battu, et par son ami Wieszek qui plus est, Wieslaw Mering, le remplaçant (de nos prêtres polonais en congés d’été) qui est devenu évêque du diocèse de Wloclawek, qui m’a lâché un beau matin d’automne que je le promenais en voiture dans le Bassin : « Ta baba, to zywy cud ! » (fr : « Cette bonne femme, c’est un miracle vivant ! ») Il a sorti là la formule définitive, et je suis d’accord avec lui, pour avoir vu, pendant une trentaine d’années, presque tous les jours, le « vivant miracle » à l’œuvre » sous mes yeux.
5) A propos de Bella, ou Annabelle Wersinger, présidente de l’association « Amitié franco-polonaise », ou AFP, de F68270 Wittenheim, combien de fois, premier témoin de ses faits et gestes, ne me suis-je pas dit : « Cette femme est complètement folle ! » Elle l’était, à sa manière, folle d’exaltation, de zèle effréné, de témérité tête baissée, à tombeau ouvert. Et automatiquement, il me venait à l’instant même pour me faire pardonner ma désapprobation cette fervente petite prière : « Mon Dieu, donnez-nous donc plus de fous, comme elle, car le monde irait bien mieux. » Les autres parlaient, elle, elle faisait. Dévorée par une boulimie d’action concrète, rapide, matérielle, et de résultats, quantifiables, mesurables, pesables, cubables…
6) Sa folie, c’était l’aide humanitaire qu’elle a mise en oeuvre pour soulager la misère dans le pays de sa grand-mère Torczelewska, la bonté faite femme. Elle a été saisie de fièvre solidaire en apprenant, comme un coup de tonnerre, dans un ciel d’un gris foncé annonciateur de neige, et de difficultés de circulation routière, l’instauration de l’état de siège en Pologne par le général Jaruzelski, le 13-12-81. Cinq jours après, est déjà parti « son » premier camion bourré de matériel de première nécessité. Ensuite, au long des ans, on les a comptés par centaines, des vingt-quatre tonnes du PKS (un transporteur dont l’employeur était le ministère polonais de la Santé et des Affaires sociales), c’était du sérieux, pas du jouet, pas du gadget…
7) A force de générosité, Bella est devenue « une grande dame » (sic), une puissance, adulée, révérée, en Pologne. Du jamais vu ! Contribuait à sa « légende » cette boutade souvent répétée, avec un petit rire de reconnaissance : « Là où le diable n’entre pas, Bella, elle, elle entre. » En somme une autre manière de dire : à cœur vaillant, rien d’impossible ! Elle déménageait, faisait bouger les lignes, « avec ma vue basse », comme elle aimait à dire… Il aurait souvent fallu ajouter : et avec mes gros sabots…
8) Quand j’allais lui rendre visite, presque tous les jours, j’aimais bien m’amuser à claironner, haut et fort : « Je vais au Vatican ! » Ceux qui entendaient étaient amusés aussi, ils comprenaient que tout partait d’elle, et lui revenait. Et j’en rajoutais une couche : « A Wittenheim, il y a deux choses essentielles, le Vatican-Bella, et le Paradis-Cora… » Ce sont les deux endroits où « ya tout ». Ces boutades s’imprimaient bien dans les esprits… Dans son épicerie-Vatican, Bella jouait, et avec quelle capacité ! la reine des abeilles, autour d’elle une ruche de bénévoles, une usine de bienfaisance, à tomber sur le c…, s’activait, de la cave au grenier ; ça entrait, sortait, prenait, apportait, entassait, triait, c’était en permanence la saint-courant d’air, dans la maison du bon dieu…
9) Un autre que moi, un moment agacé, et oui ! à force ! par les élans improvisés-imprudents de Bella, par son inspiration épique exténuante, son filleul et vice-président, et médecin de famille, le docteur Hubert Wnenkowicz, a trouvé, pour railler, mais avec entière bienveillance, sa marraine, une comparaison qui a eu elle aussi un beau succès : « Mais elle se prend pour Jeanne d’Arc ! » Elle allait bouter, Elle ! la pauvreté hors de Pologne ! Avec l’aide de Marie, à elles deux, ça allait bien suffire, amen. Cela dit, Hubert, par ailleurs adjoint au maire de Ruelisheim, inhibé, avec concentration, austère et laconique, a donné le meilleur de lui-même à ses patients, et servi Bella avec une patience d’ange, en permanence sur ses gardes pour ne pas se laisser déborder par elle. Il a été un homme de haute éthique, qui a mes yeux peut fort bien être résumé par la reprise de la qualification d’un humour attendri qu’ Albert Cohen donne au médecin de famille de son enfance, dans « Le livre de ma mère », ce bouquin à emporter pour l’éternité sur l’île déserte (avec « Les mots », de Sartre), Hubert était par excellence « un sérieux à responsabilités ». Et il était admirablement secondé par son épouse Marie-Louise, toujours de bonne humeur, toujours un mot gentil à vous dire pour réduire les tensions, qui a aussi rendu tant de services à l’assoc de Bella, qui jamais ne faisait appel à elle en vain.
10) La « communauté » (si on peut utiliser ce mot, qui, à mon sens, constitue quand même un gros abus de langage) polonaise du bassin potassique n’a pas du tout admis la notoriété et l’autorité prises en son sein par Bella en raison de son engagement. Elle a été diffamée, sabotée. On n’a eu de cesse de la discréditer, de la « diaboliser » pour combattre son ascendant. Les Polonais de la potasse se sont peu investis, c’est le moins qu’on puisse dire, en restant très gentil, pour apporter de l’aide aux Polonais de Pologne. Ils n’avaient pas de quoi être fiers. Par sa mobilisation, Bella leur donnait mauvaise conscience, était leur mauvaise conscience incarnée, ce qu’évidemment ils ne supportaient pas et ce pourquoi elle a été ostracisée, comme une pestiférée, comme une sorte de sorcière, et même franchement haïe, …par des nuls, parce que stériles, qui ne lui arrivaient même pas à la cheville.
11) Le reproche principal qu’on lui faisait était de collaborer avec le pouvoir communiste polonais. Il est certain qu’il aurait mieux valu laisser les Polonais crever démunis de tout, parce qu’ils étaient placés sous la dictature des rouges. Encore aussi, faudrait-il s’entendre sur ce que voulait dire « collaborer », c’est loin d’être si simple…
12) La plus importante calomnie que l’on répandait contre elle consistait à dire qu’elle s’enrichissait personnellement par son action : ce qu’elle collectait ici gratuitement, elle l’aurait revendu là-bas, et non donné, et aurait même possédé des magasins en Pologne pour se livrer à ce répréhensible commerce, faire son beurre sur le dos des crève-la-faim. Dans l’administration française, il y en a même eu qui guettaient l’occasion où ils pourraient la « faire tomber », la poursuivre en justice, c’est même un parlementaire honoraire qui me l’a assuré… Or il n’y avait contre elle que du dénigrement, infondé, jusqu’à plus ample informé, il n’y a pas de quoi croire autre chose…
13) Ceci étant, il m’est arrivé plus d’une fois d’être déconcerté par le fonctionnement financier de Bella. Elle se plaignait souvent de manquer, et cependant tout aussi couramment elle apparaissait en mesure de dépenser sans inquiétude. Comment ce « prodige » était-il possible ? Je me suis interdit de chercher à le savoir ; je recueillais les confidences, assez nombreuses, qu’on voulait bien me faire, mais n’en sollicitais pas, telle est encore aujourd’hui ma règle de conduite. Le climat général était quand même celui-ci : quand yena plus, yena encore. On sait très bien que cela ne peut pas durer ; or cela a duré.
14) Bella ne me cachait pas que, toujours assaillie par des urgences, par définition dramatiques, sa comptabilité n’était pas toujours un modèle de rigueur, et que la frontière entre les sous du ménage et ceux de l’association n’était pas toujours nette. En d’autres termes, Bella n’hésitait pas un seul instant à servir de banquière à l’association. Elle était tout à fait consciente de pousser le bouchon un peu loin, et en riait de bon cœur, disant volontiers : « Heureusement que je me suis mariée avec un Alsacien ; ce que j’ai fait à Lucien, si je l’avais fait à un Polonais, il y a longtemps qu’il m’aurait tuée ! » C’est fou, fou comme Bella était un mélange d’aveuglement volontaire et de réelle lucidité, mais que c’est beau, impossible sans une foi « de charbonnier », comme on dit, en sa « mission » !
15) Les époux Wersinger étaient des gens droits, moralement propres ; dans leur aventure humanitaire, ils ont laissé bien des plumes, il n’y a pas de doute une seconde sur ce point.
16) Nous y voilà bien : « la communiste » était en réalité une grande croyante ! Jusqu’à une certaine bigoterie plutôt folklo, et fendarde. Je l’atteste mordicus ! Quand nous allions à Strasbourg pour faire avancer les « affaires », je conduisais ; à côté, Bella se signait dès qu’elle voyait un calvaire sur le bas-côté, et tout le long du chemin, et il ne fallait surtout pas qu’elle en ratât un seul … Elle ne cessait d’aller à la messe, toujours en retard évidemment, ne cessait de faire dire des messes, ne cessait d’allumer des cierges, ne cessait de vider sa monnaie dans les troncs. En religion, elle était aussi catholique que son Lulu de mari gaulliste en politique.
17) Les soutiens, publiquement assumés, de Bella parmi les Polonais du bassin ont donc été rarissimes ; on la disait détestable, infréquentable, mais on sollicitait sans vergogne ni pudeur ses multiples services, et elle, par charité chrétienne, et parce qu’on lui avait appris mains jointes qu’il faut toujours espérer, ne refusait un coup de main à personne. Combien d’hypocrisie n’a-t-elle pas enduré ! Sa relation avec eux a donc été un sec échec (quoique…), mais son incomparable réussite demeurera d’avoir attiré à elle, centralisé tout (presque tout) le magnifique élan caritatif des Alsaciens vers la Pologne, pays il est vrai à la mode dans l’ouest nanti depuis l’élection de Wojtyla, suivie du chahut de Walesa. En quelque trente ans d’activité, Bella peut afficher un bilan immensément positif, inimaginable et inénarrable, et je ne me paie ici de mots. On peut dire qu’elle a fait figure pour une multitude de gens de bonne volonté de sorte de mère Theresa polonaise et laïque, issue de la société civile, comme on dit, en Alsace.
18) Le groupe fondateur de « Amitié franco-polonaise », ou AFP, s’est bien constitué légalement en association, à but non lucratif, dès 1982, il fallait en passer par là pour être pris en considération et subventionnables par les pouvoirs publics. Ceci étant, ladite association a très peu fonctionné comme une association-type, conventionnelle. En particulier, les membres ne versaient pas de cotisation annuelle. Ce n’était pas très orthodoxe, mais Annabelle avait tout à fait raison d’estimer que la généreuse cotisation était la main à la pâte mise bénévolement, en particulier pour charger les camions, ce qui n’était pas une mince affaire ! Ou pour cuisiner à l’occasion d’un banquet, d’une soirée de bienfaisance, ce qui n’était pas une mince affaire non plus. Ou encore cette contribution pouvait être considérée comme constituée par une multitude de dons en nature, de plus ou moins grande valeur, effectués tout au long de l’année.
19) Donc, appeler Afp « association » est dans une large mesure un abus de langage, en partie commis pour simplifier la communication, dans un environnement, l’Alsace, à forte culture associative, à tissu associatif dense. Moi, je préfère appeler ce puissant ensemble un réseau, une toile d’araignée, de contributeurs divers, multiples, confiants, fidélisés, et le tour de force, le prodige, réalisé par Bella est d’avoir su rassembler toutes ces composantes, coordonner tous ces intervenants, faire coexister toutes ces forces, qui ont produit un bilan d’activité d’une richesse inimaginable. Bella aura été, dans sa meilleure période, phénoménale, par son obstination, son sens de l’organisation, de la mise en synergie, enfin par une force, une résistance à la fatigue, physique et morale, incroyables. Elle bossait tant qu’on n’en revenait pas, qu’on se demandait comment parfois elle tenait encore debout ! C’est bien simple, elle faisait toujours trois choses à la fois, telle la divinité hindoue à plusieurs bras (téléphonait en essuyant (bruyamment) la vaisselle et en surveillant la cuisson du gigot dans le four, seules les femmes sont capables de telles simultanéités, de tels cumuls).
20) Après le décès de Lucien, j’ai cessé, un peu plus tôt que prévu, toute activité associative, et je me suis retiré d’AFP, en préconisant la dissolution de feu l’association, où il n’y avait plus que Bella et moi. Nous n’étions même plus assez pour dissoudre dans les règles statutaires, et au demeurant, Bella, seule, voulait continuer à présider « son »association, fût-elle fictive, et il était plus opératoire pour elle de dire « l’association » plutôt que « je ». Seul ce qui est « collectif » est pris au sérieux par le Système …
21) Et je suis sorti de la « neutralité « qui convenait à mon statut de correspondant de presse et ai pris, ouvertement, la défense de Bella assez vite après la création d’AFP, estimant que l’hostilité générale qu’elle soulevait parmi les Polonais du secteur était injustifiée, honteuse, une énorme erreur, « historique », que ceux qui passaient leur temps à la « descendre » étaient les vrais méchants, pour ne pas dire autre chose, je me retiens… J’ai été sidéré de voir, à son encontre, « nos Polonais » si butés, haineux, fanatiques : de si bons catholiques !
22) L’ « aide » que j’apportais à Bella, en particulier la crédibilité qui lui manquait face à certains interlocuteurs parce qu’elle n’avait pas l’instruction scolaire voulue, m’ont vite valu d’être intitulé en Pologne le « vice-Bella », ce qui m’amusait bien. En France, on a traduit par « vice-président », qualité officielle que j’ai gardée pendant environ un quart de siècle sans l’avoir jamais reçue par élection, comme c’est le cas courant. Me voilà donc le vrai faux vp de Bella, un parmi d’autres, car les vice- présidents, à AFP, ce n’était pas ce qui manquait…
23) Bouclier de Bella, voilà mon job le plus essentiel, le plus permanent, au sein d’afp : la protéger des autres, et…d’elle-même…peut-être surtout… Pour cela, une attitude de principe, la plus simple du monde : être pour elle en permanence un interlocuteur, ce qui ne veut pas dire automatiquement complaisant. Bella était unique, donc seule. Il lui fallait quelqu’un, de disponible, de disposé, avec qui parler, c’est-à-dire bavarder, paisiblement, mais aussi réfléchir sérieusement, à la meilleure façon de mener sa barque, d’atteindre ses objectifs, de réaliser ses meilleurs scores, à cette grande idéaliste, toute entière mue, sans s’y référer explicitement, par la doctrine sociale de l’Eglise, rappelons-le, fixée par le pape Léon XIII dans sa célèbre, révolutionnaire, encyclique « Rerum novarum… », dont l’idée primordiale est : il faut repenser, modifier, la répartition des richesses, c’est-à-dire en fait ne laisser personne sans rien. Je remontais, autant que de besoin, le moral de Bella, l’encourageait, mais Notre-Dame du perpétuel Secours le faisait encore incomparablement mieux que moi !
24) J’ai contribué à l’accession de Bella aux grades de chevalier (en 92), puis d’officier (en 07) dans l’Ordre du mérite de la République de Pologne. La Chancellerie de la Présidence, à Varsovie, appréciait que les demandeurs de distinctions vinssent du « terrain », alors j’ai fait office de « terrain ». Bella avait tellement besoin de reconnaissance, n’en avait jamais assez ! Et elle en méritait tant ! Infiniment ? En ce qui la concerne, le regret qui me tourmentera pour le restant de ma vie est que je n’ai pas pu promouvoir, en raison de circonstances peu propices, l’idée de faire nommer Bella Consul honoraire de Pologne. Elle faisait bien le boulot, pas facile du tout, alors pourquoi ne pas lui conférer le titre adéquat ? Et encore plus pendant les périodes où le consulat de Strasbourg était fermé et où l’Alsace était chapeautée par celui de Lille. J’ai vu des jours, et pas rares, où Lille lui téléphonait trois fois pour lui demander de régler en son nom telle ou telle affaire sur place. Quand Surmaczynski, un type pas mal, consul général à Lille, a eu besoin d’un point de chute assez proche de Strasbourg pour y acheter l’immeuble classieux de la rue Geiler comme siège de la diplomatie polonaise dans la capitale européenne, c’est chez Bella qu’il s’est pointé, tout naturellement, un peu comme dans une sienne succursale… Et, des trucs qui vont dans le même sens, je peux en rapporter long comme le bras, ceci pour dire que mon idée de bombarder Bella consul n’avait rien d’extravagant. Tout travail mérite salaire, selon le dicton, mais quand il l’aurait fallu le faire, personne n’a voulu se mouiller pour la promotion de Bella, il n’y avait subitement plus que des sourds ; or tout le monde était là pour profiter, couramment même pour abuser, éhontément, de ses bonnes grâces et largesses.
25) Bella, pas folle la guêpe, a eu tôt fait de se rendre indispensable en Pologne à toute une série de gens « importants », des cadres, des « huiles », qui facilitaient son action, et pour lesquelles elle représentait une échappatoire possible et immédiate à la cruelle pénurie de biens de consommation courante, plaie du « Régime »…communiste. C’est ainsi que les portes d’une certaine « haute société » se sont ouvertes devant elle, qu’on a eu un accès d’une immédiateté inouïe à de très hautes autorités du pays, politiques, administratives, diplomatiques, ecclésiastiques (inévitablement…), médiatiques, économiques, etc… Pour prendre un exemple amusant, combien de fois n’a-t- elle pas clamé que c’est elle, contre vents et marées, qui a fourni le vin de messe du pape en voyage dans son pays natal en 1983 ; sans elle, le souverain pontife n’aurait même pas pu célébrer normalement, il serait peut-être même mort de soif, allez donc savoir… Plus sérieusement, je repense à ces malades, qui ne survivaient que grâce aux médicaments envoyés régulièrement par Bella, y compris fort onéreux, et achetés en hâte si besoin avec les deniers du ménage. Souvent, Bella s’est révélée une héroïne ! vraie de chez vrai ! Il faut ajouter ici deux remarques ; premièrement, on a toujours veillé à ne pas devenir des fauteurs de corruption ; deuxièmement, certains bénéficiaires ne réalisaient pas les efforts de l’association en leur faveur ; l’Ouest, puisque tel, avait donc les moyens de fournir sans jamais aucun problème (ceux-là avaient en définitive exactement le même état d’esprit, puéril, voire niais, que Walesa, l’Occident doit financer la Pologne, et, il ne donne de toute façon jamais assez ; passons…). Et, dans cette classe dirigeante de Pologne, personne ne songeait à tourner le dos à Bella parce que son expression en polonais n’était pas très conforme aux normes académiques ; au contraire, on affectait au moins de trouver que ses incorrections et altérations diverses avaient du charme, du parfum. Et ce qui est réjouissant, c’est d’ajouter qu’au contact des Polonais de Pologne, par opposition aux Polonais d’ici, elle a su beaucoup apprendre, s’imprégner.
26) Lucien et Bella Wersinger s’étaient trouvés, ils avaient la bosse du commerce, du petit commerce de proximité, de quartier. Levés tôt, couchés tard, ils faisaient fonctionner, ensemble, une épicerie, d’alimentation générale. Les gens entraient et sortaient, il y avait du mouvement autour d’eux en permanence, ils aimaient cela, en avaient besoin, toujours tournés d’abord vers les autres. La même animation régnait dans leur domicile privé attenant, on y était toujours bienvenu, accueilli avec le sourire, Bella aux fourneaux, on tenait table ouverte pour tous ceux qui passaient, s’invitaient, s’incrustaient. Les Wersinger aimaient les tablées animées, bruyantes. Tout leur était prétexte à agapes, la bouffe leur était une vraie seconde religion. Les assaisonnements étaient relevés, les mets de qualité supérieure, car on savait ce qui était bon, et parce que la petite commerçante se fournissait chez certains grossistes, auxquels le simple particulier n’avait pas accès. Il fallait en reprendre, quand il n’y en avait plus il y en avait encore, il fallait dévorer jusqu’à éclater. Moi qui n’étais pas gros mangeur ! Et il m’était impossible de sortir de chez Bella les mains vides, il y avait toujours des surplus à emporter, pour le soir, ou le lendemain. Quand ils se sont mis à fabriquer de la charcuterie polonaise, leur réputation a bientôt été telle que les clients téléphonaient pour passer commande les yeux fermés, et tout le stock était vendu avant d’avoir été produit. A Thierenbach, les Wersinger étaient confrontés à des marchands concurrents, dont un venu de loin, de Metz, mais c’était chez eux que se pressait le gros de la clientèle. Qu’est-ce que je me suis régalé, dans cette cuisine à la bonne franquette, où le ramoneur côtoyait le monseigneur (le rouge et le noir, quoi !). Je n’ai en particulier jamais mangé de ma vie de meilleure « kaszanka » que la leur, et en 30 ans je ne les ai vus rater qu’une seule cuisson, une anomalie qu’on ne s’explique d’ailleurs toujours pas jusqu’à à ce jour, comme si le diable lui-même s’en était mêlé, histoire de jouer un mauvais tour, pour rompre avec la routine. Combien d’entre nous ont dit à Bella d’ouvrir un restaurant, elle, toque sur la tête, y aurait fait des étincelles ! Et je vous révèle ici le grand secret culinaire que j’ai appris chez les Wersinger : c’est que la cuisine polonaise n’est jamais aussi réussie, distinguée même, que quand elle est faite avec des ingrédients de qualité alsacienne ; et pour bien faire la preuve de ce que j’avance, je repropose de commencer par le chou: c’est bien avec ceux du Ried colmarien qu’on fait le meilleur bigos, la meilleure kapusta !
27) Bella a toujours approché le monde associatif en commerçante : ce qui est bon pour le magasin (au singulier !) est bon pour « l’association », en avant toutes ! Il s’agit pour elle d’échanger : je te vends, tu me vends ; je te donne, tu me donnes ; et ainsi de suite. En Alsace, la présidente fait la promotion de la Pologne, et en Pologne celle de l’Alsace ; inversant simplement le sens des couleurs, qui sont les mêmes de part et d’autre, le rouge et le blanc, elle accommode le même chou (ce roi des légumes, a-t-on soutenu) façon choucroute pour les Polonais, et bigos pour les Alsaciens. Il s’agit d’aller main tendue à la découverte de l’autre, et cela se fait par la découverte du patrimoine de l’autre, et le patrimoine c’est d’abord la gastronomie, et l’artisanat, sous ses formes diverses.
28) Ainsi, Bella, aidée par un bagou(t) à toute épreuve, a énormément travaillé, année après année, pour servir Pologne et Alsace dans toute une série d’occasions où se croisaient des quantités importantes de gens (y compris parfois importants), toute une série de manifestations où il fallait absolument se signaler si l’on voulait compter, peser, dans la tendance, dans le mouvement général d’une période. Il faut ainsi tout spécialement se souvenir du/de : salon annuel de l’artisanat de la MJC (Maison des Jeunes et de la Culture) de 68310 Wittelsheim, du pèlerinage polonais du lundi de Pentecôte à Thierenbach, du salon du tourisme de Colmar, de la fête du monde de Mulhouse, du marché de Noël de Kaysersberg ; et elle a contribué à enrichir les échanges interrégionaux entre Alsace et Basse-Silésie (capitale Wroclaw, en all « Breslau »), voulus tout personnellement par le président Chirac, dont le bras armé en la matière aura été le préfet du Haut-Rhin Cyrille Schott, originaire du Bas-Rhin, qui nous a laissé d’incisifs mémoires de sa période parmi nous ; ce jeu de la représentation pouvait même prendre mauvaise tournure : au début des années 90, cela me reste vivement à l’esprit, j’ai vu Bella perdre quelque 30.000 francs (environ 4.500 euros) d’argent personnel en deux jours de foire-exposition à Sarreguemines… Purée alors, il fallait en avoir envie, de donner, donner encore, donner toujours, follement, éperdument, sans rien attendre en retour : de la douloureuse gloire du bénévolat… ; qui ferait encore ça, aujourd’hui ?
29) Tout vient de l’enfance et de ses traumatismes, c’est bien connu. La banale assertion s’applique avec force à Bella. Elle est née de père inconnu (J’en ai entendu, de ses soi-disant amis, à jouer dans son dos à deviner qui pouvait bien être son père : que voulez-vous, il y en a qui trouvent leur plaisir à remuer le couteau dans la plaie, c’est moche.), elle était encore bien gosse quand sa mère s’est suicidée. Elle a été élevée par sa grand-mère maternelle. Si l’on ne sait pas ces blessures, on ne saurait comprendre totalement l’action et l’œuvre de la présidente. Par réaction vitale, elle a donc considéré que le vrai bonheur sur terre consisterait à avoir d’abord une famille. Par extension, par compensation, elle a voulu en trouver une, une famille, d’adoption, en France, à nombre de petits orphelins polonais, plusieurs dizaines. De même, ayant appris la valeur des choses dès petite, où s’imposait à la maison le souci d’économie, elle a appris à compter comme personne, et à donner, redistribuer sans compter, avec une générosité sans frein.
30) 2011 : pour le règne annabellien, c’est le début de la fin : plus de voyages d’été ni en Pologne ni en Ukraine (Dans les dernières fortes années d’AFP, le tourisme en Pologne du sud seule ne lui suffisait plus, elle avait du monde qui souhaitait qu’elle pousse jusqu’à Kiev : n’oublions pas que la « communauté » polonaise du Bassin potassique avait sa minorité ukrainienne.), plus de banquet d’automne à la salle Léo Lagrange, bientôt plus de dépôt humanitaire ( toujours mis à disposition gratuitement par la Ville de Wittenheim) rue de Soultz, cité « Jeune Bois » ; Bella approche des soixante-quinze ans ; son mari est très malade, elle ne peut plus faire autre chose que de s’occuper de lui, en se dandinnant de manière de plus en plus prononcée, car elle aussi, même elle ! commence à subir les premières atteintes du vieillissement ; 2012 sera l’année du trentenaire du dépôt des statuts d’Afp, déjà… Lucien en chaise roulante, l’une ou l’autre virée touristique sera bien de nouveau organisée, mais bien sporadiquement, aléatoirement, comme des derniers barouds d’honneur : le temps de la pleine puissance est révolu, sèchement, cruellement, sans appel.
31) Un malheur n’arrive jamais seul : Annabelle est en peu d’années submergée par toute une série de deuils, qui ébranlent fortement son moral, même si elle essaie d’encaisser de manière stoÏque, recensés ici dans le désordre : décèdent Christine, l’une de ses deux filles, épouse Bastianelli,, d’une maladie « qui ne pardonne pas », comme on dit, à 50 ans (1959-2009), maman adoptive de la petite Julie, qu’on peut donc dire deux fois orpheline en quelque sorte ! et qui sera ensuite mon élève au collège Irène Joliot ; Rafaël (pol : « Rafal »), l’aîné de ses 3 petits-fils adoptifs, succombe à 20 ans dans un très gros accident de la circulation, entre Wittenheim et Ensisheim ; je l’ai vu encore 24h avant qu’il ne soit tué, comme il rayonnait de sa blondeur, de sa gentillesse et de sa joie de vivre ; Lucien, son époux fusionnel, la quitte début juillet 2013 vaincu par diverses pathologies liées à un diabète dont la gestion a été un vrai chemin de croix, pour le malade, qui était travaillé par d’irrésistibles envies de sucré, évidemment parfaitement contre-indiquées, et pour l’infirmière improvisée Bella qui tendait bien empiriquement, tant bien que mal, à réguler la glycémie en permanence stressante de son mari ; Michel, son « frère », s’ajoute à la liste ; au-delà de la famille, des soutiens amicaux importants de l’association s’en vont définitivement aussi, ne citons ici pour l’exemple que Stéphanie Potemski, victime d’un incendie, ou, parmi les plus connus, Pierre Knittel, le conseiller général ; en Pologne, Henryk Juszczyk, le président du Conseil civique de Bielsko-Biala, si proche ; le paternel cardinal « Gulbin », plus son traducteur en français l’abbé André Dzielak (un copain de régiment du martyr Popieluszko), mgr Edouard Janiak, l’ancien secrétaire particulier de Son Eminence, tous deux partis trop tôt d’un cancer du poumon, l’un fumeur, l’autre non, allez donc comprendre quelque chose de rationnel à la survenance des maladies ; restons-en là, mais la liste des défunts qu’Annabelle portait dans son cœur, n’est pas exhaustive.
32) L’une des plus belles choses qui soit arrivée à Bella, dans sa vie, c’est d’avoir finalement, à l’âge mûr, rencontré un substitut spirituel à son père manquant, le cardinal, c’est-à-dire Gulbinowicz, archevêque de Wroclaw, chef-lieu de la Basse-Silésie ; celui-là l’a prise sous son aile, avec lui elle s’est comme jamais sentie accueillie, souhaitée, toujours, avec bienveillance, sentie en confiance, en sécurité ; sans en avoir l’air, car elle était élégante, mais effectivement, cette Eminence a été protectrice ; elle a laissé se répandre partout l’idée influente que : toucher à Bella, c’est toucher à Gulba ; se sentir la « fille » de Gulbin, cela a été une fabuleuse consécration pour cette casse-cou empanachée ; je me souviens encore comment le cardinal a pris physiquement au collet l’affreux abbé (+)Xavier Sokolowski, pour l’enjoindre de laisser Annabelle travailler et de cesser de lui mettre les bâtons dans les roues.
33) Car, en définitive, la poignante histoire de Bella, c’est celle d’une petite Cendrillon anonyme de cité minière, innocente trop tôt éprouvée par la cruauté de la vie, et devenue, degré par degré, un Etablissement, incontournable, une institution sociale qui s’impose et en impose à tous, sortie du rang par son grand cœur, sa boulimie de travail, pour accomplir une mission de charité exceptionnelle, en reprenant sans cesse ce candide viatique venu de sa culture populaire polonaise, via sa grand-mère : « Mon Dieu, donne-moi seulement la santé et la raison. »
34) Illustration par des photos :
– bel a) pour le sommaire de ce blog, Bella, à gauche, photographiée par R. Baranowski, avec la vice-ministre polonaise à l’Action sociale Sienkiewicz, en 1992.
– bel b) Bella salue à Strasbourg (+) Tadeusz Mazowiecki, devenu à partir de septembre 1989 le premier Premier ministre postcommuniste de la Pologne, toujours République, mais plus populaire.
– bel c) Bella rencontre, le 05-11-04, il y a donc 20 ans, à l’occasion du Salon annuel du Tourisme de Colmar, l’ancien ministre polonais des Affaires étrangères (+) Bronislaw Geremek, alors député européen.
– bel d) Bella retrouve à Wroclaw, du 23 au 25 mai 07, le cardinal (+) Gulbinowicz, et son évêque-auxiliaire d’alors (+) Edouard Janiak, dans le cadre des échanges réguliers entre la région Alsace et la voïvodie de Basse-Silésie ; la photo est prise par Michèle Karcher, employée à la Région.
C’est un très beau cliché qui me fait vraiment très mal, quand je pense à la déchéance que ces deux ecclésiastiques ont ensuite connue, chacun en ce qui le concerne ; notre confiance en eux était totale : mon Dieu, à qui donc se fier ? J’ai vécu la révélation des turpitudes de Son Eminence comme un effondrement, moral, j’ai encore du mal à réaliser qu’il a pu fauter aussi grossièrement ! Mais bon, si le Vatican a prononcé des sanctions, il doit savoir ce qu’il fait : de nouveau, on fait confiance, mais le charme est rompu … Mais la statue de l’abbé Pierre lui-même est maintenant elle aussi déboulonnée : alors ? Alors il faut savoir accepter que nul n’est infaillible, que pour être prêtre on n’en est pas moins homme, que le célibat des prêtres est un idéal intenable, peut-être…
– bel e) en bleu, Daniela Mroczek, conseillère auprès du ministre polonais de la Santé et de l’Action sociale, épouse d’un important général (mais pas celui avec des lunettes noires, qu’est-ce que vous allez donc imaginer !), devenue amie personnelles de Bella ; ici, lors d’un bal organisé à Wittenheim par l’association Afp, en octobre 92. Daniela était une femme intelligente, qui connaissait ses dossiers, et qui aimait, et savait, s’amuser, à la polonaise.
– bel f) à l’archevêché de Wroclaw, en août 91, Bella prononce un petit remerciement de circonstance au cardinal pour son accueil d’un groupe de touristes conduits par la présidente ; parmi eux, sur la photo à la droite de la présidente, avec son (+) épouse, (+) M. Pierre Knittel, maire de Wettolsheim, conseiller général du canton de Wintzenheim, et conseiller régional d’Alsace, gaulliste.
35) Illustration par des textes :
– bel I) article du 26-07-92, illustrée par une photo de Bella avec la vice-ministre Sienkiewicz ;
– bel II) le même, en allemand ;
– bel III) article du 16-10-92 sur les 10 ans de l’association AFP, illustré par une photo du couple Wersinger assis à domicile à côté de son invité mgr Zbigniew Kraszewski (1922-2004), évêque-auxiliaire du diocèse de Varsovie (70-92), ensuite plus particulièrement chargé du district de « Warszawa-Praga » (92-97), qui a choisi pour devise épiscopale : « Maria vincit » (fr : « Marie vainc ») ; titulaire de plusieurs distinctions polonaises patriotiques, et surtout commandeur avec étoile dans l’Ordre très relevé « Polonia restituta », ou « Order Odrodzenia Polski » ( fr : « Ordre de la Renaissance de la Pologne »).
– bel IV) article du lundi 19-10-92, sur la réception de Bella en mairie de Wittenheim, suite à sa nomination dans l’Ordre du Mérite polonais.
– bel V) article du jeudi 22-10-92, sur la remise des insignes du Mérite, précédée d’une messe d’action de grâce présidée par (+) mgr Pierre Bockel, archiprêtre de la cathédrale de Strasbourg, ami d’André Malraux, en l’église Ste-Marie de Wittenheim.
– bel VI) 1996 : lettre du 15-05 du Préfet du Haut-Rhin Cyrille Schott à Bella pour l’inviter à rencontrer, avec un groupe d’amis sélectionné par elle, lors d’un dîner à l’Ecomusée d’Ungersheim, une délégation de Wroclaw conduite par le voïvode Zaleski, préludant au « jumelage » de l’Alsace avec la Basse-Silésie, qui a ensuite remarquablement fonctionné, avec sérieux et conviction, pendant de nombreuses années ; Bella, dès l’origine, a été amenée à rapprocher les deux composantes.
– bel VII) bandeau du 15-07-01 sur la retraite professionnelle prise par Bella ;
– bel VIII) article du 15-07-01 sur le départ de Bella à la retraite ;
– bel IX) 27-10 et 03-11-01 ; articles quasi identiques (cela préfigurait déjà le quotidien alsacien de facto unique d’aujourd’hui !) des deux journaux régionaux sur le diplôme de reconnaissance accordé à Bella « pour mérites exceptionnels » par le Ministre polonais des Affaires étrangères (pol, en abrégé : « MSZ ») Bartoszewski ;
– bel X) ma lettre « Solidarité engeance néfaste pour AFP », de septembre 2004, à l’Ambassade de Pologne à Paris ;
– bel XI) tapuscrit de mon article de presse pour les noces d’or des Wersinger, en avril 2005.
– bel XII) pour le remerciement à Bella du ministre polonais de la Santé, le bordereau d’envoi de l’ambassadeur, en 05-06.
– bel XIII) la lettre,en polonais, de remerciement du ministre de la Santé, en 03-06 ;
– bel XIV) la même lettre traduite en français ; décidément, ces huiles polonaises ne pigent pas, ou ne veulent pas piger, que toute référence à « Solidarité », en ce qui nous concerne, est, comme on dit aujourd’hui, inappropriée ; car, j’ose insister ici, on a enveloppé dans la « belle » bannière du « syndica »t des choses vraiment pas honorables du tout, carrément honteuses pour la Pologne et les Polonais.
36) Illustration par des vidéos : elles seront disponibles ultérieurement.
37) Données biographiques de base, réunies pour les journaux locaux, le 09-04-05, à l’occasion des noces d’or des époux Wersinger.
- a) Annabelle, née Torczelewski, le 07-06-37, à Wittelsheim-Langenzug ; orpheline en 1947, à dix ans ; élevée par sa grand-mère maternelle ; scolarisée pendant un temps dans un pensionnat à Remiremont. Bella préside depuis le dépôt de ses statuts en 1982 l’association « Amitié franco-polonaise », principalement à vocation humanitaire, et accessoirement promotionnel ; elle est nommée en 92 chevalier dans l’Ordre du Mérite de la République de Pologne ; promue au grade d’officier en 07 ; reconnue au travers d’autres distinctions polonaises.
- b) Lucien, surnommé Lulu, est né le 22-05-32 à Kingersheim ; commerçant de proximité, il siège au conseil municipal de Wittenheim trois mandats consécutifs, de 1977 à 95 ; récompensé par la médaille d’argent régionale, départementale et communale ; de sensibilité gaulliste ; pendant longtemps permanencier du foyer paroissial catholique Ste-Marie de Wittenheim-Centre.
- c) La grand-mère de Bella (pas chauvine !), au moment où le projet de mariage est conclu, dit à Lucien : « Je te donne ma petite-fille, mais tu dois apprendre le » Et Lulu, à sa manière, a relevé le défi, il s’est mis à baragouiner quelques mots, toujours les mêmes, l’une ou l’autre petites phrases, de préférence humoristiques, du genre : « Embrasse mes genoux. » On voit là, l’un des rarissimes exemples, que nous applaudissons, par principe bien sûr (comme chaque fois que quelqu’un manifeste une capacité à apprendre), où, dans la population du Bassin, c’est, pour s’exprimer avec le vocabulaire de Jacques Attali, le sédentaire qui s’adapte au nomade, ou, si l’on veut, autrement dit, où on constate comme une intégration à rebours, de la majorité à la minorité ; j’ai connu deux autres performances identiques, celle d’un autre (+) Lucien, Héchinger, lui aussi épicier, à Wittelsheim-Grassegert-Langenzug, et celle de mon oncle (+) Christian Blion, d’ascendance lorraine, l’époux d’Hedwige, (+) la sœur puinée de ma mère, qui ont voulu s’en sortir un minimum, ne pas rester complètement secs, en polonais, avoir de la conversation.
- d) Le couple: mariage civil le 07-04-55 ; mariage religieux le 11-04-55, en la chapelle St-Jean-Bosco de Wittelsheim-Langenzug, célébré par le curé Joseph Litschgy ; de 1956 à 65, six enfants, dont cinq encore en vie, naissent de cette union, quatre garçons et deux filles ; d’entre eux, deux fêtent déjà leurs noces d’argent en 05 ; la famille compte quatorze petits-enfants, dont deux décédés, et quatre adoptifs ; dès 1955, les époux ouvrent un commence d’alimentation, qui est transféré au 130 rue des Mines en 1957, et en service jusqu’en 2001, année de la prise de retraite d’Annabelle.
- e) Les enfants: trois des garçons se sont engagés à leur tour dans la vie socio-culturelle et civique locale : Alain a imité son père comme conseiller municipal de Wittenheim, de 2008 à 2014, conseiller-délégué au sport même, un échelon au-dessus de son père ; Eric a longtemps officié comme président de la MJC (Maison des Jeunes et de la Culture) de Wittenheim-Fernand-Anna ; Philippe a longtemps dirigé une école de danse à Mulhouse.
38) Pour faire une fin, je vous dirai que ce que j’aimais le plus chez Bella, c’était son côté prévisible : ça, au moins, c’était pèpère ; dans les dernières années où je l’ai épaulée, le mot dont elle se gargarisait le plus était « ingérer », sûrement parce qu’il est moins clair à beaucoup de gens que sa locution synonyme « se mêler de » ; quand Bella vous disait : « Je ne veux pas ingérer, mais… », vous pouviez être sûr(e) qu’elle allait le faire, et sans tarder, ingérer ; elle est née pour être matriarche, que voulez-vous, jusqu’au bout !
39) Terminé de rédiger le 19-10-20, par fsz ; retouché en août 24 ; matériel protégé par le droit d’auteur (loi française du 11 mars 1957).