e-mémpol XV Les Polonais à Wittenheim

Additif à : la Vierge noire brûlée

L’église Ste-Barbe de la cité Théodore

par fsz site polonais-et-potasse.com

    Légende photo : splendide vue en couleurs de l’église dans le contexte de l’ensemble de la cité, et au-delà (doc mh).

   1) Le tableau de la Vierge noire polonaise de Czestochowa évoqué dans notre article intitulé « La Vierge noire brûlée » bénéficie d’un environnement exceptionnel, celui de l’église Ste-Barbe, que je considère subjectivement comme le plus bel endroit du Bassin potassique, qui exerce sur moi un charme du même genre que le site de la basilique Notre-Dame de Thierenbach : on y est pris dans une sorte de climat, dans une sorte de poésie, douce. On ne peut pas ne pas en parler, dans le cadre de ces mémoires, si on veut qu’ils tiennent un tant soit peu la route. Quand je me trouve en cet emplacement, pour moi inspiré et inspirateur, me reviennent, depuis de très longues années, les premiers mots de Maurice Barrès en ouverture de sa « Colline inspirée » : « Il est des lieux où souffle l’esprit. »

   2) Quand le directeur des Mines Pierre de Retz a commandé la construction de cette église, il a commandé ce qui m’apparaît comme le chef-d’œuvre de l’architecture minière ; certes, la potasse a suscité bien d’autres bâtiments remarquables, comme par exemple la salle des fêtes dite « Grassegert », à Wittelsheim ; mais dans aucun le souci de l’embellissement artistique n’aura été poussé aussi loin, dans aucun les disciplines artistiques complémentaires de la construction et de la décoration ne s’épousent l’une l’autre avec un résultat aussi puissant, aussi éclatant.

   3) En guise de première présentation synthétique de l’église, je suis content de pouvoir m’en remettre à l’article rédigé en ce sens par l’ancien adjoint au maire Maurice Haffner, article (en 2 pages de format A4 illustrées) qui a connu sa première parution dans l’exemplaire monographie consacrée par cet auteur (voir sa notice biographique en section XIV de ce blog), authentique historien local autodidacte, à sa cité minière, à l’occasion du centenaire de cette dernière.

   4) article de Maurice HAFFNER

  5) compilation de Denis SCHOTT

Pour donner l’église Ste-Barbe à voir, mieux, à contempler, mieux à aimer, j’ai en outre la chance de pouvoir compter sur cet autre historien local du Bassin potassique qui a appris sur le tas, avec une persévérance et des résultats au-dessus de tout éloge, je nomme mon ami Denis Schott, qui s’est fait une spécialité de collectionner les cartes postales d’intérêt patrimonial. Grâce à lui, voici un premier lot de 13 vues de l’édifice, envisagé de l’extérieur, de haut, puis de loin, puis en nous rapprochant, sous différents angles.

   6) les trois croix blanches.

Nous ajoutons une 14ème photo de l’église vue de l’extérieur, photo de son flanc nord (déjà publiée dans le mémoire sur la cité). Elle permet de constater les dommages causés à la toiture lors des combats de la Libération de Wittenheim, essentiellement dans les derniers jours de janvier 1945.
Mais, surtout, il convient de remarquer les trois croix blanches pour ainsi adossées au soubassement en grès du bâtiment. Elles signalent les tombes de trois soldats allemands, dont il ne subsiste aujourd’hui absolument plus rien : de l’herbe rase, point final.
Bien entendu, on y reviendra, quand on en saura un peu plus, si c’est encore aujourd’hui possible.

7) l’étude du curé (+) Vital BOURGEOIS

   Ci-dessous, on pourra lire l’article, tellement inattendu, et dont la réédition nous paraît donc impérative, du curé Vital Bourgeois qui a présenté l’œuvre de Desvallières (devenu quand même en janvier 40 président de l’Institut de France ! soit dit en passant, « ce n’est pas rien », suivant un tic verbal favori de Malraux) à Ste-Barbe dans la revue mensuelle « d’histoire et d’art régional » (sic) « La vie en Alsace » (publiée à Strasbourg à partir de 1923 par le journal des DNA). Le texte se recommande à nos yeux comme l’hommage véritablement magistral ! brillant ! (au sens fort ici cet adjectif hélas actuellement si galvaudé) d’un homme de foi en même temps critique d’art et artiste lui-même, ce qui n’est quand même pas un profil courant, ni à Wittenheim, ni ailleurs d’ailleurs.

8) Stimulé par le texte de Bourgeois, je dirais ceci. Pour moi, plus je le regarde, et plus le temps passe, et plus je vois le chemin de croix de Ste-Barbe comme inscrit, à mi-chemin, dans un paradigme peut-être amorcé par le Norvégien Edvard Munch avec son « cri » d’angoisse d’avant la fin de la première guerre mondiale et devenu mondialement célèbre, et qui continue de se décliner dans les temps récents avec les graffeurs du « street art », de Jean-Michel Basquiat (1960-88) aux frères Paul et Marc Kostabi (surtout Paul), etc, qui font admettre le « graffiti bombé » (=peint avec de la peinture en bombe) comme dessin artistique à part entière ; dans cette mesure, qu’est-ce que ces graffeurs, sinon des avatars, des métamorphoses, d’un Desvallières qui serait sorti de l’église, sorti du sacré, pour investir la rue, s’étendre à l’espace profane, pour exprimer, s’exprimer, dans l’urgence, avec concentration, intensité?

   9) La visée de Desvallières à Wittenheim est de réénoncer le récit évangélique avec des traits délibérément presque schématiques comme des coups de griffes énervés, avec les couleurs du fauvisme et les accents de l’expressionnisme, pour donner à voir l’écrasante, l’insupportable, souffrance de la Passion, pour que nous restions saisis, stupéfaits, tétanisés devant tant de violence, tant de cruauté qui s’abattent alors sur Jésus mourant pour notre Salut.

   10) Ce que tous ces créateurs de vision ont en commun, c’est de mettre sous nos yeux l’exarcerbation, le paroxystique. Si je voulais encore hasarder une formule en ce sens pour finir, je dirais de la dénonciation du Mal par Desvallières à Ste-Barbe en écho certainement à notre demande à la fin du « Notre Père » : « Mais délivre-nous du Mal » : c’est de la rage vériste explosant sur les murs.

   11) cartes postales du Chemin de Croix

Les œuvres du peintre ont bien entendu été rapidement reproduites en cartes postales, à dominante brunâtre, on peut pas faire plus « vintage ». Ci-dessous, on trouvera donc une vue du chœur et une des fonts baptismaux, puis les 10, sur 14, stations suivantes du Chemin de Croix : I, II, V-VI (groupées sur une seule carte), IX-X (idem), XI, XII, XIII, XIV. Maurice et Denis, nos fournisseurs, disposent chacun exactement des mêmes clichés ; mais aucun des deux n’a eu jusqu’à présent la chance de pouvoir disposer de la série complète. Espérons qu’un jour nous pourrons ajouter ce qui manque, les stations III, IV, VII, VIII.

   12) Bibliographie.

   A ceux qui auront éventuellement la curiosité de chercher des sources d’information au-delà du présent article, sur le patrimoine artistique visible à Wittenheim, nous suggérons trois lectures  qui nous semblent prioritaires :

  1. a) « Images du patrimoine, Cantons de Wittenheim et de Mulhouse-Sud », publié par Le Verger, pp 41-46 ; sur Desvallières, j’apprécie vraiment la page 46, fine, pointue.
  2. b) « Le patrimoine des communes du Haut-Rhin », tome II, Flohic éditions, sur Wittenheim pp 1383-89.
  3. c) René Giovanetti, « Mines de potasse d’Alsace, histoire patrimoniale et sociale », éditions Coprur, 2011 ; l’auteur évoque l’église et la paroisse Ste-Barbe aux pages 50 à 56 ; toute personne ayant, comme moi, un faible pour cet édifice gagnera à connaître cette remémoration ; mais, puisqu’on y est, ajoutons que le sujet des « associations polonaises » se voit octroyer dans ce très bon volume quelques lignes, peut-être par l’un ou l’autre détail légèrement inabouties, aux pages149-150 : quand on voit en effet en Joseph Peplinski un président de « Lutnia » (p. 149), c’est qu’il reste du travail de base à faire.

   13) Illustration (de notre sommaire).

  1. a) En sommaire de ce blog, on trouvera une première œuvre de Georges Desvallières (1861-1950) en l’église Ste-Barbe de Wittenheim, extérieure à son Chemin de Croix, son éblouissant baptistère, avec sa peinture murale où Jean-Baptiste baptise le Christ ;
  2. b) moi, d’origine polonaise, quand je vois ces fonts baptismaux, je ne peux m’empêcher de penser spontanément à ce baptistère qui, avec celui de la cathédrale de Florence, et celui de Don Bosco de Wittelsheim-Langenzug où j’ai moi-même reçu ce premier Sacrement, est devenu pour moi le baptistère des baptistères, celui de l’église de Wadowice, près de Cracovie, où a été baptisé le futur saint pape Jean-Paul II, qui commentait le lieu en disant simplement, d’une expression qui a fait le tour du monde depuis : « C’est ici que tout a commencé ! »
  3. c) Et je n’oublie pas cette importante particularité pour les présents mémoires qu’après le grand Lolek, sur ces mêmes fonts de Wadowice, où il était également né, une dizaine d’années plus tard, a été baptisé Hyacinthe Styla, le chargé d’âmes lazariste des Polonais de Wittenheim à partir de 1975, qui a été mon sincère ami, et qui par surcroît a plutôt assez bien connu personnellement son illustre compatriote.

   14) Note biographique.

   Grâce à Maurice Haffner, je dispose d’une très éclairante notice biographique rédigée par René Giovanetti sur le curé Bourgeois, auteur d’une critique de si haute volée, republiée avec cet article, sur l’œuvre de Desvallières à l’église Ste-Barbe. Il dit : « L’abbé Schwaller quitte la paroisse en 1934 et Vital Bourgeois y prend ses fonctions le 22 juillet 1934. Vital Bourgeois, comme plus tard son plus jeune frère, Georges Bourgeois, sera une personnalité marquante du Bassin Potassique à cette époque. Curé de Sainte Barbe, puis de Kingersheim, juste avant la guerre, il est mobilisé comme capitaine en 1940. Grand résistant, peintre reconnu il a décoré l’intérieur de la chapelle Saint-Christophe, spécialiste de l’art sacré, responsable scout, il terminera sa vie sacerdotale comme chanoine du chapitre de la cathédrale de Strasbourg. Il décède à Strasbourg le 9 juin 1959, à l’âge de 56 ans. » (op. cit. p.55)

15) Photo : « curé avec pipe ».

   Nous devons également ici à Maurice une très belle photo du curé Vital Bourgeois, fumeur de pipes, qui n’étaient pas toutes des calumets de la paix. On nous a en effet rapporté de méchants propos sectaires qu’il aurait tenus sur André Hirak, l’homme qui dans la cité a massacré sa famille à la hache avant de se pendre pour ne pas retourner dans la misère de son pays d’origine, suite à un arrêté d’expulsion, dont la justification n’est pas absolument indiscutable, il s’en faut (voir notre article ad hoc sur ce blog). Pour Vital, Hirak était un mauvais sujet, parce qu’il ne venait pas à la messe : c’est d’un simplisme, mais d’une arriération manichéenne alors : les bras m’en tombent !

   16) Le Président du Département.

   Pour donner ici une rapide idée du frère de Vital, Georges Bourgeois, notons qu’il a longtemps été président du Conseil général du Haut-Rhin, et député-maire de Pulversheim, commune limitrophe de Wittenheim. Nous en disons un peu plus long sur cette personnalité, que j’ai encore eu la chance, en 72-73, son déclin politique étant alors déjà sévèrement amorcé, de côtoyer un peu, dans notre évocation de la Vierge noire polonaise de l’église St-Jean de Pulversheim, à laquelle on voudra bien se reporter.

   17) Czestochowa au plafond !

    Pardon, mais je ne puis finir cet article sans ramener la matière vers « mes » Polonais. Il convient en effet de rappeler une caractéristique « polonaise » de la peinture dédiée à Ste-Barbe dans le chœur ; l’architecte Georges Debut, en confiant ses souvenirs au périodique d’Entreprise « La gazette des Mines » en 1963, n’oublie pas, en effet, nous lui en sommes reconnaissants, de spécifier : « Il (c’est-à-dire Desvallières) eut encore la délicate pensée de prendre pour pendant à la cathédrale de Strasbourg qui occupe l’angle gauche, en bas de la voûte, la cathédrale de Czestochowa, en hommage aux nombreux mineurs polonais qui, depuis quelques années, apportaient aux Mines le concours de leurs bras. » Cette figuration complète de manière on ne peut plus cohérente la copie du tableau de la Vierge noire qui occupe l’autel secondaire gauche (voir, comme déjà indiqué pus haut, notre article intitulé « La Vierge brûlée » spécialement consacré à ce sujet sur ce blog.).

  18) Photo : « peintre avec barbe et chapeau ».

    Pour finir vraiment, voilà ce qui manquait encore à cet article, une photo de Desvallières (doc mh), prise devant l’église, dans la période où il y a travaillé, entouré de deux accompagnateurs, à ce jour non identifiés.

   19) Terminé de rédiger, par fsz, le 08-04-24 ; matériel protégé par le droit d’auteur (loi française du 11 mars 1957).

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