VIII – Les Polonais et la famille

Noces de diamant chez les Kufel : Dansez « BOSO » ! (= nu-pieds !)

   1) Il y a 50 ans, le samedi 29 juin 1973, les époux François et Sophie Kufel, du 42 rue du Château d’eau, en face du stade de l’Asca, à Wittelsheim, fêtaient leurs noces de diamant, soit 60 ans de mariage. A l’époque, c’était une performance plus rare qu’aujourd’hui, et qui retenait plus l’attention.

   2) Le couple Kufel, depuis la construction de la cité Grassegert dans les années vingt, aimait les contacts humains, permanents, communautaires, et en avait un bon paquet, constituant une sorte de petit clan. Il a donc fêté son jubilé en ouvrant grand le rayon de ses invitations !

   3) Une fête de ce genre constituait une vitrine de famille, et donnait raison à Jacques Brel de chanter « Les Flamandes » où, contre les outrages du temps, on se montre toujours sous son meilleur jour, où on montre à grand renfort d’apparences souriantes que : « Tout va bien. » ; qu’on prospère ; que, dans le cas d’exilés, comme les Kufel, «  l’émigration nous réussit. »

   4) Les occasions d’évoquer la famille Kufel, à l’écrit, et à l’oral, ne m’ont pas manqué : j’ai en effet écrit à son sujet cinq articles pour le journal (1973, 77, 78, 80, 84), et prononcé deux éloges funèbres à l’église St-Michel (2013, 14) ; qui dit mieux ? Ce faisant, j’ai été contraint à un certain nombre de répétitions, ce qu’en principe j’évite au maximum, car cela « lipidifie » (un mien néologisme) le propos. Mais quoi : il faut bien aussi faire plaisir aux gens…

   5) Pour aller un peu au-delà de la surface des choses, la famille Kufel mérite d’être considérée comme famille polonaise remarquable de la cité Grassegert en raison du profil particulier de trois de ses membres, le patriarche Franz, son gendre Pierrot, et son petit-fils Nowo.

   6) Franz« Pan Kufel «  (Pan= Monsieur), c’est, bien sûr, entre autres, l’attachement à la culture reçue et à sa transmission, le sens de la famille, des préférences de gauche, l’amour de la jeunesse, le goût de la convivialité.

   7) Albouy, son gendre, c’est l’instituteur, le syndicaliste d’envergure, de gauche modérée mais vraiment de gauche, l’homme-orchestre de la section de basket de l’Asca, avec un impayable accent méridional, qui a tant et tant mérité qu’une salle de sport soit dédiée à son nom (comme président de l’association CLPP, comptant Pierrot comme adhérent-patriarche, j’ai été le premier à militer, discrètement, en faveur de cette dédicace, et ai obtenu officieusement dès les premiers jours de 2014 du problématique couple Riesemann, il est vrai en campagne électorale incertaine, puis confirmation écrite qu’elle serait faite, ce qui a été le cas, du reste dans un exceptionnel consensus local.).

   8) Nowotarski, le petit-fils de Franz, c’est le champion de la famille, c’est la réussite par le foot, la  promotion sociale par le sport, jeune joueur de l’Asca « passé pro », c’est-à-dire professionnel, puis entraîneur, à Evian, Strasbourg, Gueugnon ; le tout dans la modestie, la sobriété de style, et la fidélité à ses origines; il aura naturellement droit sur ce blog  à un article particulier.

   9) Le banquet des noces de diamants des Kufel reste une des plus belles soirées polonaises inscrites dans ma mémoire ; Danielle m’a assis pour le dîner à côté de Véronique, la fille aînée de Casimir, peut-être avec une arrière-pensée… de marieuse ? Dès l’apéro en plein air, Lucette Zawierta, l’épouse de Lucien, qui ne parlait pas polonais, s’est agrippée à moi pour ne pas être trop perdue ; elle a été ma prof d’EPS en terminale, à Montaigne ; on la disait à tort renfrognée, avec moi elle ne l’était pas ; nous avons abondamment bavardé, cordialement, en sirotant, sans nous priver… une excellente sangria, dont nous avions devant nous une pleine baignoire en tôle galvanisée, rustique, à la guerre comme à la guerre ; à force, le doux, le suave breuvage a dû nous aider à dire même plusieurs vraies bêtises…

   10) Le clou de la soirée nous est venu de « Seppi », Joseph Rem, le compagnon de Léocadie, qui n’a pas failli à sa réputation de joyeux farceur, qui avait plus d’un tour dans son sac ; nous, qui dansions avec furia, nous nous sommes plaints que le parquet de « l’Aigle blanc » ne glissait pas assez, freinait nos pas de valse ; nous voulions tourbillonner à la : plus polonais que ça, tu meurs ! Seppi nous a dit de quitter nos chaussures, de danser pieds nus, ce que nous avons fait illico-subito-presto ; il avait une idée derrière la tête, le drôle, une fameuse idée, une idée gonflée ; pendant que nous dansions, il a jeté dehors dans la nuit toutes les godasses ! la danse finie, essoufflés, nous avons dû les chercher à quatre pattes dans l’herbe, en mettant toujours la main au petit bonheur la chance sur une qui n’était pas la nôtre ; quel méli-mélo, quel charivari, quel tohu-bohu ! on a ri le reste de la nuit et à s’en tenir les côtes ; pour mettre de l’ambiance, Seppi avait superbement réussi son coup, un truc de ouf, comme disent les djeuns’ aujourd’hui !

   11)  Je ne peux m’arrêter sans ajouter cette anecdote, que pour des noces de diamant, la couleur des rubans, qui décoraient voitures, bouquets, tables, etc, était le rouge. Franz riait de bon cœur de cette coïncidence avec la couleur politique qu’on lui prêtait, au demeurant schématiquement, abusivement, car c’était un modéré ; il riait sous son nez, dans sa moustache, sans retenue,  en disant, me disant : « Comme ça les gens pourront dire : Tiens ! vlà le communiste qui va à l’église ! » Preuve qu’il avait tout l’humour qu’il fallait pour savourer cette apparente « ironie du sort ».

   12) Sous cet avant-propos, on retrouvera donc trois textes d’abord mon article de 73 sur les noces de diamant, ensuite mon article de 77 pour les 85 ans de Franz, et enfin celui qui annonçait en 84 la nomination d’Albouy à « la bleue », autrement dit dans l’ONM, autrement dit dans l’Ordre national du Mérite.

   13) Pour s’imager davantage les choses, on regardera ensuite trois photos de groupe prises ce jour des noces, devant la baraque polonaise, en fin d’après-midi, après la messe, et avant le dîner, à l’heure de la mémorable sangria : d’abord la cellule familiale strictement, puis deux clichés sur lesquels se sont ajoutés des voisins, amis et convives, d’abord en petit cercle, puis en cercle élargi.

   14) Rédigé le 18-12-23, par fsz ; matériel protégé par le droit d’auteur (loi française du 11 mars 1957).

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