e mémpol XIII – « Singulièrement », ou fragments autobio

Il y a 50 ans : La mort du Président Pompidou Le coup de la minute de silence !

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   1) Il y a 50 ans, le mardi 2 avril 1974, vers 21h, mourait à Paris dans son appartement au 2ème étage du 24 Quai de Béthune (4ème arr, pas exactement pour pauvres), à 100m de l’église St-Louis en l’Ile, où ont été célébrées ses obsèques, à 63 ans (né le 5 juillet 1911), Georges Pompidou, président de la République française depuis juin 1969, à la suite de la démission du général De Gaulle.

   2) J’ai vécu cette extraordinaire soirée du décès de manière quelque peu cocasse.

   3) Toute la France savait malgré l’omerta officielle Pompon sérieusement malade, mais personne ne s’attendait à une issue tragique aussi rapide (Un humoriste résumait la trajectoire de l’homme avec impitoyable férocité, ne l’oublions pas : « D’abord Pompidou, puis Pompidur, puis Pompimou. »). C’est peut dire que tout le monde a été surpris, le saisissement a été unanime.

   4) Nous autres de la section cantonale de Cernay du Centre démocrate, nous avions réunion ce soir-là dans une salle tranquille au 1er étage du café-restaurant-hôtel des « Trois rois », à Cernay, à côté du parvis de l’église St-Etienne. Nous n’étions pas très nombreux, n’a-t-on pas assez dit que les partis centristes sont des partis sans militants ?, mais, outre le responsable local Louis Schaffner, dirigeant de la chorale paroissiale, et quelques anonymes, il y avait l’un ou l’autre notables, comme le conseiller général le dr Gilbert Michel, René Arnold, le maire de Wittelsheim, membre du Comité directeur départemental, et surtout, en vedette, il y avait le président départemental, le sénateur-maire de Thann Pierre Schielé.

   5) La réunion était publique, elle avait été annoncée dans la presse locale, et le point principal à l’ordre du jour consistait à faire la critique du programme commun de la gauche, dite alors les socialo-communistes. Et à le mettre en pièces (ce qui a moi, novice, me semblait terriblement difficile).

   6) En pareilles occasions, certains communistes ne détestaient pas aller porter la contradiction dans les réunions politiques de leurs adversaires. Schielé la star étant présent, on s’attendait plus ou moins à une visite d’une petite délégation conduite par Auguste Bechler, le secrétaire général départemental du PC, permanent du Parti de la place du colonel Fabien, considéré comme contradicteur pugnace. Qu’allait-il donc se passer, entre ces deux pointures-là ?

   7) Et aucun communiste ne se montra.

   8) Dans l’attente, pour meubler, on faisait la critique du régime Pompidou, auquel on trouvait tous les défauts, et on n’avait pas de mots assez durs pour les stigmatiser : un vrai jeu de massacre ! et qui a bien duré 1h30, au bout de quoi, Schielé lassé lui-même de patienter, lâcha, en alsacien (c’est sa seule fois que je l’ai entendu prononcer du dialecte) : « Bon, maintenant il serait temps pour moi ! » Sous-entendu : de passer aux choses sérieuses, de faire avaler leur chapeau aux cocos.

   9) Moi, encarté depuis le jour de mes 18 ans, le 01-07-73, ébloui comme tant d’autres par le talent oratoire de Schielé, ce soir-là je me suis lassé qu’il se contente de distribuer la parole aux autres, et je suis descendu fumer une cigarette (je bombardais dur, comme Schielé, aussi, et Pompon, aussi) sur le trottoir.

   10) En remontant, il était 21h58 officiellement, mon attention est restée accrochée par la télévision du bistrot, au rez-de-chaussée, où un speaker, interrompant la diffusion des « Dossiers de l’écran » en cours, annonçait : « Le président de la République est mort. »

   11) Après être resté quelques secondes interdit devant cette communication, je suis remonté dans la salle de réunion et ai lancé d’une voix forte, sans attendre qu’on me donne la parole, in medias res : « Pompidou est mort ! » Que des bouches bées, paroles restant suspendues en l’air, silence total.

   12) Schielé, qui a eu là un réflexe pour moi inédit de pro de la politique, réalisant que les propos tenus dans les 90 minutes précédentes étaient devenus ipso facto caducs, trouva impayablement la pirouette de circonstance pour se tirer d’embarras : il clôtura précipitamment les débats, chacun ayant hâte de renter chez lui pour en apprendre davantage devant son petit écran de télé.

   13) En faisant observer, avec figure d’enterrement bien sûr, une minute de silence (bien courte…), pour déplorer cette perte considérable (au moins !).

   14) On venait de dire pis que pendre du président, on avait le sifflet coupé, car, comme on sait, les morts n’ont que des qualités.

   15) Quel renversement de théâtre, quel revirement d’attitude ! J’en étais médusé ! Alors le coup de la minute de silence, celle-là tu me la copieras ! En quelques instants, je venais de prendre une mémorable leçon sur l’hypocrisie en politique, et le caractère précaire et révocable du Verbe, dont, à mon âge, je n’ai pas encore 19 ans révolus, je faisais encore si grand cas, en bon lycéen naïf de série littéraire, dame !

   16) Illustrations.

  1. a) La photo officielle du septennat, suspendue dans toutes les mairies de France, reprise ici sur un précieux disque vinyle 33 tours, édité par la Maison Serp, dont la pochette est présentée ici recto et verso, composé d’enregistrements de discours de Pompidou, essentiellement des extraits fameux prononcés soit comme 1er ministre, soit comme président de la République. Que de fois j’ai écouté et réécouté ce disque, qui me proposait un modèle oratoire qui m’en a beaucoup imposé, d’autant plus qu’il est bien éloigné de mon style naturel à moi ; Pompon c’était la sobriété et la concision incarnées, alors que moi j’ai tellement tendance à « en faire trop », à surjouer (peut-être parce que je ne réussis pas vraiment à me prendre au sérieux, parce que j’ai tendance à faire parodie de tout…). C’est ce témoignage sonore si vivant qui explique que parmi les politiciens, Pompon serait en quelque sorte mon chouchou des chouchous : il y a un léger vibrato qui lui échappe un instant parfois, un tremblement dans la voix qui m’imprime la forte conviction que le Georges était avant tout un émotif, et je l’aime beaucoup parce que selon moi il devait dans certaines occasions faire effort pour se maîtriser, garder la contenance convenable, éviter que l’homme privé ne prenne le pas sur l’homme public, l’homme officiel.
  2. b) Le couple Pompidou, Georges et Claude, installé au palais de l’Elysée depuis quelques mois, pose pour la couverture de l’important hebdomadaire français « Paris-Match » (numéro 1084 du 14-02-70) ; plus tard, Madame ne se retiendra plus d’appeler ce haut-lieu de la République : « la maison du malheur »…

   16) Fait le jeudi 28-03-24, jeudi saint, par fsz, lendemain de la diffusion par la chaîne France 3 d’un excellent documentaire de Jean-Pierre Cottet intitulé « Georges Pompidou, la cruauté du pouvoir » préludant au 50ème anniversaire de la mort de l’homme illustre du cimetière d’Orvilliers (commune du département des Yvelines où le défunt avait une maison peinte en blanc, appelée publiquement « Maison blanche », en toute simplicité, bien sûr, à moins que ce soit avec le sens de l’humour…).

   17) Dans la flopée d’émissions télévisées tout à coup programmées sous l’égide de la nostalgie des années Pompidou, « des années où les Français ne savaient pas qu’ils étaient heureux » (sic), on retiendra parmi les plus recommandables, le documentaire d’Antoine Coursat « De Gaulle et Pompidou, jusqu’à la rupture », et surtout le film de 2011, de Pierre Aknine, « Mort d’un président », où Pompon est bien « valablement » (vocable très gaulliste, sic) joué par Jean-François Balmer, devenu maintenant bien trop rare à l’écran ;  matériel protégé par le droit d’auteur (loi française du 11 mars 1957).

Cet article a 2 commentaires

  1. Cybulski

    Comme d »habitude, merci pour tes travaux qui nous profitent aussi.
    Le temps passe de plus en plus vite.

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