e-XIV Le coin des amis
René ARNOLD maire honoraire de Wittelsheim, ami emblématique des Polonais
par fsz site polonais-et-potasse.com
1) Selon la « légende » ( au double sens du terme), voici, le 02-12-92, en mairie de F68310 Wittelsheim, le fameux moment de l’ébahissante question du maire de Paris Jacques Chirac (à gauche) à l’oreille du maire-hôte René Arnold (au centre), en présence du maire voisin de Thann Pierre Schielé, sénateur (à droite), tous trois depuis décédés : « Pourquoi est-ce qu’on n’a pas fait la saline ? », la fameuse saline revendiquée par les syndicats (en particulier par la CFDT de Jean Kaspar pendant la campagne présidentielle dès mars 81) au nom de la « diversification » (sic) des activités potassiques, et dont les saliniers évidemment ne voulaient pas : pot de terre contre pot de fer, eh oui…. Arnold m’avait fait promettre de ne jamais révéler la question du futur chef de l’Etat, … en pariant intérieurement bien sûr que je ne tiendrais pas parole : enfin, elle est forte, celle-là, n’est-ce pas, qu’à ce niveau de la pyramide politique française, on puisse être aussi mal informé, voire désinvolte !
2) René Arnold, déjà présent dans mon cahier n°1 sur le folklore, est sur ce site une nouvelle fois accueilli avec reconnaissance, comme sincère ami des Polonais (photo « L’Alsace », doc RA), toujours soucieux, idéal qu’il a partagé avec moi, de la coexistence harmonieuse des identités, des cultures, des différences, et de la fructueuse mise en synergie d’icelles
Origines et formation initiale
3) René Arnold est né le 06-11-1932 à Mulhouse dans une famille ouvrière, et il grandit dans le quartier de l’église St-Fridolin. Astreint à quatre années de scolarité allemande durant l’Occupation, il est évacué avec d’autres enfants de la ville (et notamment + Jean Bonnardel, artiste-plasticien connu) en Suisse, à Dittingen (aujourd’hui canton de Bâle-campagne) lors des derniers combats et bombardements de la Libération de Mulhouse.
4) Sa famille est reliée à la vallée de St-Amarin, puisque son grand-oncle l’abbé Eugène Arnold (voir la notice consacrée à ce dernier par René dans le NDBA), né à Mitzach, figure marquante de la vallée, est aumônier de l’hôpital d’Oderen dans les années cinquante et soixante.
5) L’enfant reprend un cursus secondaire ordinaire en 1945 au collège Lambert de Mulhouse et intègre de 1947 à 1951 l’Ecole normale d’instituteurs de Colmar. Dans ces deux établissements, il lui est donné de côtoyer des maîtres remarquables, comme Raymond Oberlé (qui s’est ensuite signalé notamment en archivistique) et Edmond Gerrer (futur député-maire de Colmar).
Carrière professionnelle
6) Après quelques jours d’exercice à Thann en octobre 1951, René Arnold est nommé instituteur-stagiaire au cours complémentaire de Wittelsheim, localité à laquelle il s’atttache pour toute la durée de sa carrière d’enseignant.
7) Après un stage de formation universitaire à la Faculté des Lettres de Nancy en 1956-57, où il effectue une Propédeutique sanctionnée par la mention « très bien », le statut professionnel de René Arnold, rentré à Wittelsheim, évolue suivant les réformes structurelles successives de l’enseignement secondaire: pérennisé en 1963 comme professeur au collège d’enseignement général (CEG), il termine sa carrière d’enseignant à sa retraite en septembre 1991 en qualité de PEGC (professeur d’enseignement général de collège) hors-classe, après avoir enseigné en dernier lieu au collège Charles Péguy le français, l’histoire-géographie, l’instruction civique, et la musique, avec un fort rayonnement pédagogique unanimement reconnu, construit sur le mariage de la compétence et du sens humain, de l’exigence et de la convivialité, de la rigueur des anciens avec l’ouverture d’esprit à l’innovation des modernes.
Activités de jeunesse
8) Dès son installation à Wittelsheim, ville de dix mille habitants située dans le Bassin potassique haut-rhinois, le jeune enseignant s’investit remarquablement dans la vie associative locale.
9) Comme responsable scout des « Routiers » locaux, adolescents et jeunes adultes, il entreprend de correspondre avec les soldats en Algérie originaires de la localité, par l’intermédiaire d’un périodique artisanal, « La voix des jeunes », et il organise de 1957 à 1962 plusieurs camps en France et à l’étranger (Corse, Italie du nord, Sardaigne, Yougoslavie).
10) Membre de la Maison des Jeunes et de la Culture locale à partir de 1953, il en préside bientôt le Conseil de Maison, puis entre au Conseil d’Administration comme secrétaire-adjoint, puis vice-président. Dans les années soixante, il anime une soirée par mois un ciné-club qui préfigure par sa qualité culturelle les salles ultérieures dites « d’art et d’essai », et dont le succès est considérable parmi les adolescents comme parmi les adultes de tous âges.
11) La MJC reconnaissante nomme René Arnold président d’honneur en 1994 lors de son retrait de la vie publique, fait sans précédent dans les annales de l’association dans la mesure où il n’a jamais été président élu du Conseil d’Administration (contrairement à moi…).
12) René Arnold manifeste encore sa passion pour la jeunesse comme directeur de colonie de vacances, de 1963 à 1974, à Dolleren, dans la vallée de Masevaux, au bénéfice de l’Association « Protection de la Jeunesse » de Mulhouse-Dornach, à l’origine émanation de la paroisse St-Barthélémy. Durant une session estivale par an, il œuvre à l’épanouissement d’enfants citadins souvent dits aujourd’hui « défavorisés ».
Activités politiques
13) René Arnold s’engage en politique dès 1952 en devenant membre du MRP (Mouvement républicain populaire). Il traverse jusqu’aujourd’hui les mutations et changements d’appellation successifs de ce parti centriste dans une fidélité-modèle à l’inspiration chrétienne-démocrate, sociale et européenne qui se pérennise actuellement à l’UDF.
14) Président de la section de Wittelsheim du MRP dès 1955, secrétaire cantonal (canton de Cernay) du MRP puis du Centre démocrate de 1958 à 1972, membre du Comité directeur départemental du Haut-Rhin de 1956 à 1981, il s’investit beaucoup, notament pour les élections au Conseil général du maire Jules Ebner (1958 et 1964), puis du Dr Gilbert Michel, son grand ami trop tôt disparu en 1993.
15) Toute cette activité militante préfigure l’entrée de René Arnold au Conseil municipal de Wittelsheim en 1965 : il y siègera sans interruption pendant trente ans. Au cours de ce premier mandat, le jeune édile s’illustre particulièrement comme rapporteur de la Commission scolaire.
Quatre mandats de maire
16) Aux élections municipales de mars 1971, le maire sortant Jules Ebner se retire pour raisons de santé après presque vingt-quatre ans d’exercice. Une intimidante succession est à assumer. L’électorat place René Arnold en tête du scrutin avec 68% des voix (le vote est au scrutin majoritaire avec panachage), indiquant clairement qui il souhaite voir occuper le fauteuil de premier magistrat. A trente-huit ans, le jeune professeur, dont s’est épanouie depuis vingt ans la forte popularité locale, est donc élu par le nouveau Conseil par 19 voix sur 27.
17) René Arnold restera maire vingt-trois ans consécutifs. Réélu sans difficulté en 1977, 83 et 89, il se présente à chaque fois à la tête d’une liste dite « d’Entente communale », c’est-à-dire rassemblant des hommes et des femmes appartenant à diverses familles de pensée, désireux d’œuvrer pour le bien commun ; il démissionne, cependant, à la consternation générale, en mai 1994, ne se sentant plus la force de poursuivre sa tâche avec l’efficacité nécessaire.
18) Dans cette longue période d’activité très soutenue, le maire Arnold remplit toute une série de fonctions qui découlent de son mandat principal : : deuxième vice-président du SIVOM (Syndicat à vocation multiple) du Bassin potassique en 1971, il en devient premier vice-président de 1977 à 1994 ; en 1977, il devient président du SIS (Syndicat intercommunal scolaire) de Wittelsheim-Staffelfelden-Richwiller ; la même année, il devient président de la Commission adminsitrative paritaire pour le personnel communal du Haut-Rhin ; en 1989, il accepte la charge de vice-président du Centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale ; il représente le SIVOM du Bassin potassique au Conseil de Surveillance des Mines de potasse d’Alsace de 1984 à 94 ; depuis 1972, il est président du Comité local « Berry-Alsace », Wittelsheim étant ville-filleule de guerre du département du Cher et en particulier de son chef-lieu Bourges ; il est président-fondateur de l’OMSC local (Office municipal des Sports et de la Culture) en 1972.
19) Les principales réalisations les plus notables de la période Arnold sont la construction d’un deuxième collège (dédié à Charles Péguy) et un engagement décisif pour l’édification d’un lycée polyvalent (dédié à Amélie Zurcher, à l’origine de la découverte de la potasse, à Wittelsheim même) la construction et la rénovation d’écoles maternelles et primaires, la construction d’une nouvelle Maison des Jeunes et de la Culture et d’une salle spécialisée de gymnastique, la réfection des VRD (voies et réseaux divers) des cités minières, la création d’une nouvelle zone d’activités économiques et de nouvelles zones d’habitat, celle d’une bibliothèque municipale par reconversion d’un bâtiment ancien, l’embellissement environnemental de la localité, l’organisation à partir de 1973 d’une exposition annuelle de peinture et de sculpture de grande réputation, dont l’âme sera longtemps le peintre local Robert Zieba. On retiendra aussi l’important soutien financier, logistique et moral dispensé aux nombreuses associations locales, et le développement de relations amicales suivies avec les localités de Bürstadt en Hesse (jumelage) à partir de 1982, et avec Rizziconi en Calabre (pacte d’amitié).
20) Toute une série de distinctions et décorations viennent progressivement sanctionner les mérites acquis par le maire Arnold dans l’action publique : la médaille d’honneur en bronze de la Jeunesse et des Sports (1963), la même en argent (1986), le grade de chevalier (1983) puis d’officier (1991) des Palmes académiques, la médaille d’honneur régionale, départementale et communale en argent (1988), puis en vermeil (1996), les insignes de chevalier dans l’Ordre national du Mérite (1991).
21) Tous ces honneurs mettent conjointement en exergue les qualités personnelles peu communes d’un homme à la forte personnalité, animé d’une grande volonté , très actif et travailleur, très engagé en faveur d’idéaux généreux et distingués, stable dans ses convictions et fidèle en amitié, disponible et dévoué, comme ils rendent hommage à l’adulte de référence de très nombreux jeunes , à l’humaniste soucieux de la dignité du monde ouvrier, ouvert aux différences culturelles et aux minorités (en particulier d’origine polonaise), enfin à l’orateur de talent, sobre, précis, efficace, et à l’inspiration élevée, par qui ses concitoyens sont fiers d’être représentés, qui taquinent affectueusement ce célibataire endurci en disant qu’il a trouvé chaussure à son pied en « se mariant avec la mairie ».
22) L’une des positions les plus courageuses prises par le maire Arnold aura été, suivant mon vœu personnel clair et net, de se déclarer défavorable à l’implantation sur le carreau minier de Joseph-Else de l’entreprise de stockage souterrain de déchets ultimes « Stocamine ». De même, l’une de ses attitudes les plus estimables, et jugée aujourd’hui d’avant-garde, aura été d’avoir toujours résisté à la tentation, assez ordinaire parmi ses pairs élus locaux, de cumuler les fonctions électives, ce qui lui aurait été assez aisé, vu en particulier ses capacités, et de s’être consacré exclusivement à une seule.
Le retraité
23) Rendu à lui-même à sa retraite, devenu en 1994 maire honoraire, René Arnold, esprit fondamentalement éclectique et insatiablement curieux de nouvelles connaissances, a humblement repris le chemin de l’école, et depuis 1992 suit chaque année universitaire, en auditeur libre, des cours de licence et de CAPES à la Faculté des Lettres de Mulhouse (département d’Histoire), où il partage avec les jeunes étudiants passion de la découverte et enrichissement culturel. Il se révèle un bibliothécaire-documentaliste apprécié, au point qu’il a été prié par ses successeurs à la mairie d’organiser la dévolution à divers bénéficiaires qualifiés de la riche bibliothèque des Mines de potasse cédée par l’entreprise à la commune de Wittelsheim. Plus généralement, il met son point d’honneur à rester un participant assidu de la vie locale, jamais blasé, jamais indifférent, sage et utile.
24) René Arnold est décédé le 02 mars 2021 à l’hôpital Emile Muller de Mulhouse ; ses cendres reposent dans le casier cinéraire numéro 293 du cimetière n°3 de Wittelsheim.
25) Ps :
- a) Ce texte, écrit pour le « grand public », pour servir éventuellement d’ « oraison funèbre », a été l’objet d’une nouvelle rédaction, déchargée de sa franche modalisation laudative, plus conforme au style « neutre » et sec d’un dictionnaire ; cette dernière a été publiée dans le « NDBA », ou « Nouveau dictionnaire de biographies alsaciennes », une très volumineuse somme, et un ouvrage qui se recommande à tous par son imperturbable sérieux, sa fiabilité, sous l’éminente direction du Professeur émérite (+) Kintz.
- b) Arnold, maire centriste quand même très autocentré, pensait ne pouvoir quand même pas décemment écrire lui-même sa propre notice biographique ; alors il m’a demandé, toute pudeur subitement envolée, de le faire à sa place, … mais sous son attentif, que dis-je ? chatouilleux regard ; je n’ai pas cru pouvoir lui refuser cette grâce, notamment parce que ce texte à rédiger allait compléter mon étude dans « L’Alsace », dans l’été 73, sur, déjà ! « Les 28 maires de Wittelsheim depuis la Révolution » (j’ai fait pareil pour les maires d’Ensisheim, sous la direction du futur président Jean-Jacques Weber (voir les notices de ce dernier dans le NDBA, et dans Wikipédia).
- c) Le maire honoraire m’a même déclaré son grand souhait, comme « étant le mieux placé pour le faire » (sic), qualité soudain à moi reconnue, que je complète de ma plume la fameuse chronique de l’adjoint Charles Sauter parue début 74, pour sa première édition, « Wittelsheim, de Jules César à Charles de Gaulle » ; quel culot quand même, ou quelle ingénuité inattendue de celui qui avait sans arrêt besoin d’être encensé ; et comme s’il y avait lieu de continuer Sauter ! J’ ai répondu à l’ami René qu’il me suffirait d’un maximum de deux ou trois pages pour contenir le travail qu’il me demandait, et que je mettrais en titre (repris d’un film d’horreur) : « Massacre à la tronçonneuse ! », pour qu’il réalise bien par cette terrible image que je n’ai qu’improbations à formuler, tout particulièrement à l’égard de ses successeurs. Comment voudriez donc qu’on trouve quelque chose de positif à écrire sur un bled où, entre autres, pour faire court, la Ville met en liquidation judiciaire sa « Maison des Jeunes et de la Culture » (MJC)? La cause de ce patelin, comme le confirment hélas, à en déprimer, tant d’autres indicateurs, est une cause perdue.
- d) Dans ses dernières années, René, avec toutes les qualités constantes que j’aime chez lui, et qui m’ont fait le citer à des étudiants inquiets de bien concevoir et de bien énoncer comme un modèle dans son genre, a rédigé pour le NDBA des notices, documentées et détaillées, sur ses collègues maires de Wittelsheim depuis l’Occupation, sous mon bienveillant (comme s’il en avait besoin, le rusé…) regard.
- e) Seconde illustration photographique de cet article, complémentaire de la précédente, avec Chirac et Schielé : le maire Arnold en la salle de réception-salle du Conseil de sa mairie, le 03-02-85, pour le 40ème anniversaire de la Libération, de la commune, dans une attitude « hiératique » bien étudiée et arborant les insignes de sa magistrature; il aimait sans s’en cacher à moi cette photo de lui-même et espérait bien, sans pourtant vraiment le dire, qu’un jour, je la publierais ; je le fais car le cliché me semble bien représentatif de ce quasi-quart de siècle où c’est lui, le couramment surnommé « Noldi », « l’homme fort », à Wittelsheim, et sans réplique ; et je le fais aussi car tout ce cliché suggère combien, pour Noldi, la mairie, c’était toute sa vie ! D’ailleurs, c’est tout vu : quand à minuit, il restait à la mairie une lumière allumée, on savait que c’était Arnold qui était encore dans son bureau, et non pas que quelqu’un avait oublié d’éteindre !
26) Fait le 15-09-04, retouché et augmenté le 06-11-23, jour où « Reni » (son diminutif en alsacien, ajouterai-je la variante avec diminutif « Renala » ?) aurait eu 91 ans, s’il avait vécu ; matériel protégé par le droit d’auteur (loi française du 11 mars 1957).
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