e-mémpolII) Additif 1 à :

« Les rues polonaises de Grassegert »

par fszsite polonais-et-potasse.com

1) Ma série de 11 articles de l’été 1976 sur les rues « polonaises » de Wittelsheim-Grassegert, que je vais republier intégralement sur mon site, ou blog, doit en outre être complétée, puisqu’aux 9 existantes à l’époque (7 d’initiative patronale, 2 d’initiative municipale « arnoldienne »), deux nouvelles ont été ajoutées, une rue Mickiewicz (sous le maire Pierre Vogt (1995-2001) : c’est le Consulat de Strasbourg, sans se casser la tête, qui a prôné ce choix, arrêté sans plus aucune concertation locale avec quiconque…) et une rue Opala (proposée par des fans, sous le maire suivant Denis Riesemann (2001-14). Evoquons ces dédicataires.

Récapitulatif

   2) Mais, avant, rappelons qui sont les célébrités polonaises déjà devenues toponymes dans la cité ; deux monarques : Sobieski, Stanislas ; trois militaires : Kosciuszko, Poniatowski, Sowinski ; deux savants : Copernic et Madame (et non Marie !) Curie ; enfin, fortement suggérés par le couple Jedrzejowski de moniteurs de polonais très marquants, deux pianistes et compositeurs : Chopin et Paderewski ; remarque : sept sur neuf de nos personnalités, sauf Copernic et Sowinski, ont, au moins à un moment ou un autre de leur vie, des rapports, importants, et positifs, avec la France.

   3) Dans le panel constitué, on n’avait pas d’écrivain ; cela a été une bonne idée d’en sélectionner un, Mickiewicz ; mais cela une mauvaise idée de jeter ainsi son dévolu sur le … premier venu, pardon, le plus utilisé, le plus usé, jusqu’à la corde, et plus encore (avec les Curie, Chopin, et maintenant Jean-Paul II), et surtout sur un qui, comme Kosciuszko, pose problème d’orthographe et de prononciation aux non polonophones, qui forment quand même l’essentiel des usagers !

En réserve

   4) Amusons-nous un instant à réécrire, en mieux, notre liste de propositions de 1976 « à garder en réserve pour le cas où » (voir dans le feuillet n°11 de la série) ; on aurait pu songer à d’autres écrivains : Norwid, Reymont, Milosz ; à un peintre : Matejko ; à un troisième scientifique : Charpak ; à un cinéaste : Wajda, Polanski ? (plus controversé) ; à un homme de théâtre : Kantor, Grotowski ; à un chanteur d’opéra : Kiepura ; à un sportif : Kopa, Jazy, Stablinski ; mais on avait localement sous la main le formidable goal du club de l’ASCA Opala, et on a extrêmement ! bien fait de lui faire honneur, bien que de manière incroyablement malséante, pour ainsi dire offensante, proposé en effet au Conseil municipal décideur en tant que « vieille gloire » du foot (sic), et sous le nom d’ « Opalinski » (sic) .

   5) Entendons-nous bien : ce n’est pas parce que je livre une petite liste de potentiels nouveaux venus que je demande la création à Wittelsheim de nouvelles rues pour le seul plaisir de les utiliser. Allons, soyons un peu plus sérieux : la trace polonaise dans la topographie locale est largement assez marquée pour l’histoire, on peut s’arrêter là, de tout cœur merci ! au moins de la part des « Polonais »…

12) Adam Mickiewicz,

poète, et professeur au Collège de France.

   6) Adam Mickiewicz (1798-1855) est souvent présenté comme le plus  grand (« grand » : qu’est ce que ça veut dire, exactement ?) écrivain polonais ; c’est vrai qu’en Pologne il a vite été considéré comme le chef de file du romantisme ; et c’est vrai aussi qu’il a été considéré comme un poète de premier plan européen par certains des plus éminents de ses pairs, autant d’amis, comme Pouchkine, Byron, Goethe, Hegel et naturellement notre incontournable Hugo, qui n’a pas été avare d’éloges (bien emphatiques, comme à son ordinaire…) à son égard, déclarant notamment, et de manière versifiée !

« Parler de Mickiewicz,

c’est parler du beau, du juste et du vrai ;

c’est parler du droit dont il fut le soldat,

du devoir dont il fut le héros,

de la liberté dont il fut l’apôtre

et de la délivrance dont il est le précurseur. »

Lituanien

   7) Adam naît en Lituanie (unie à la Pologne depuis 1569 au sein de la « République des Deux Nations »), le 24-12-1798, dans une famille de petite noblesse, à ou près de Nowogrodek, où il passe sa première jeunesse. Il étudie d’abord chez les Dominicains, mais, c’est à noter, suivant les préconisations du ministère polonais de l’Instruction publique, premier du genre en Europe, institué dans le droit prolongement de la Constitution du 3 mai 1791 ; puis il étudie les Lettres, à l’Université de Wilno (aujourd’hui Vilnius, capitale du pays) de 1815 à 19 ; dès 1817, il anime un groupe de résistance secrète à la tyrannie tsariste, les « Philomates » ; de 1819 à 23, il est professeur au « gymnase » (lycée) de Kowno (ou Kaunas) ; il écrit en 1820 sa première œuvre restée vraiment importante, intitulée « Ode à la jeunesse » ; il est emprisonné en octobre 1823 à cause de son opposition à la domination russe, et est assigné à résidence en Russie, à Odessa, où il lui est interdit d’enseigner, et où il écrit une nouvelle œuvre poétique restée importante, intitulée « Konrad Wallenrod » ; mais, en 1829, il est « autorisé à quitter «   la Russie.

Exilé

   8) Il se rend alors principalement et successivement en Allemagne (Berlin et Weimar), en Suisse, en Italie, revenant à Dresde (pour tenter, sans succès, de rentrer en Pologne en soutien à l’insurrection de 1830), avant de s’installer en France à partir d’août 1832. A Paris, son charisme, de patriote et d’artiste, en fait rapidement le guide spirituel des émigrés politiques polonais dits de la « Grande Emigration » (de fait une élite intellectuelle et culturelle, une « aristocratie »). Suivant une séduisante analyse, la littérature de Mickiewicz a en quelque sorte « remplacé la patrie disparue ». (sic).

« Messire Thadée »

   9) C’est là qu’en 1834 il compose son chef-d’œuvre, « Messire Thadée » (pol : « Pan Tadeusz »), épopée historique en douze « chants » (en fait des poèmes) dans laquelle il évoque les mœurs et coutumes lituaniennes, et l’espérance des Polonais brièvement placée en Napoléon. Certains enthousiastes iront jusqu’à dire que, dans son genre, cette création est la seule à pouvoir rivaliser avec « L’Iliade » d’Homère elle-même ! Quant au cinéaste polonais n°1, André Wajda, il a réalisé de cet ouvrage fameux une merveilleuse adaptation filmique, en 1999, à connaître absolument, à voir et à revoir, avec un éblouissement toujours renouvelé !

   « Messianique »

   10) Brièvement professeur de littérature latine à Lausanne, en 1839,  Mickiewicz est ensuite chargé d’enseigner les littératures slaves au Collège de France, une magnifique consécration, qui ne dure que jusqu’au 28 mai 1844, date de sa dernière conférence, après laquelle il est suspendu de son poste, car ses idées « messianiques » dérangent décidément trop ; ce messianisme consiste tout simplement à considérer la Pologne asservie comme un « Christ des nations », dont le martyre voulu par Dieu rachètera le monde » (sic), à prôner la libération des peuples, en particulier européens (Il ne faut jamais perdre de vue avec quelle force le XIXème siècle, en Europe, a été le siècle des nationalismes ; quand on reparle de nationalismes aujourd’hui, il faut bien se dire qu’on n’a, encore une fois, rien inventé, et qu’on essaie tout juste de faire du neuf avec du vieux.), évidemment que cela inquiète les pouvoirs en place, on ne peut quand même pas laisser une tribune de ce niveau de prestige international à un subversif, un trublion, un turlupin, qui va contaminer les esprits, avec des idées de démocratie , et pis, de socialisme! Il faut d’autant plus faire taire Mickiewicz que ses cours ont beaucoup de succès, attirent des auditoires importants, et des soutiens de renom, comme ceux de Michelet et de George Sand, qui viennent pleurer de compassion sur les périodes exaltées déroulées par l’orateur.

   11) En 1834, Adam prend femme ; avec Céline Szymanowska, il aura six enfants, deux filles et quatre garçons. Le ménage ne restera pas toujours heureux, mais toujours assez pauvre ; en décembre 38, en raison de ses déboires conjugaux, Adam tente même de se suicider.

Légions

   12) En 1848, Mickiewicz organise en Italie une légion polonaise contre l’Autriche, mais qui restera bien trop faible pour jouer un rôle militaire réel. Il se rend ensuite en Turquie pour en lever une autre contre la Russie, à l’occasion de la guerre de Crimée (1853-56), à laquelle, ne l’oublions pas, se mêle en ennemi du tsar Napoléon III. Mais il meurt, vraisemblablement du choléra, à Constantinople, le 26-11-1855.

Sépultures

   13) Mickiewicz est d’abord provisoirement inhumé à Constantinople, au sous-sol de l’immeuble où il résidait. Dans un second temps, le 21-01-61, il est enterré à la nécropole de Montmorency, près de Paris. Dans un troisième temps, en 1890, il trouve sa dernière demeure à Cracovie, avec les défunts illustres de l’histoire polonaise, dans une crypte de la cathédrale du Wawel.

Statues

   14) On a élevé à Mickiewicz de nombreuses statues. On se souviendra en particulier de celle, d’expression épique, d’Antoine Bourdelle, un aide de Rodin, érigée à Paris, dans le 8ème arrondissement, en 1928, dans un espace baptisé « Jardin d’Erevan ». Et on n’oubliera pas non plus celles, parmi les plus connues, de la place du marché à Cracovie, et de la place Mickiewicz à Lviv. Parmi des œuvres de moindres dimensions, on se souviendra du magnifique buste par David d’Angers, réalisé en 1835.

Portraits

   15) Pour illustrer cet article, on en a retenu deux, qui se veulent complémentaires, montrant l’un l’homme encore jeune, l’autre l’homme déjà plus mûr : le premier, reproduisant un daguerréotype de 1842, a souvent été utilisé, et repris par nous de la première de couverture d’un livre de 1955, où il se présente après une « designification » (néologisme de nous) très réussie ; le second est le dessin original très reconnu du peintre Eugène Delacroix. On n’a eu que l’embarras du choix, entre x portraits possibles.

Topographie

   16) La rue Mickiewicz de Grassegert est en fait une petite impasse (un grand nom pour une petite rue…) qui dessert un tout petit nombre de logements qui ont été construits à la place de l’ancien bistrot « Chez Kakiou » et, en petite partie, des baraques provisoires, dites « algériennes », finalement démontées dans le début des années soixante-dix, après en particulier un violent incendie subi par l’une d’elles. La rue, orientée vers le nord, est perpendiculaire à la rue du Château d’eau, et parallèle aux rues de Mulhouse (à hauteur de l’îlot fleuri de la « chapelle Miesch », à sa droite, et Chopin, à sa gauche.

Sources

   17) Les études littéraires et les biographies dont Mickiewcicz est le sujet sont très abondantes, et faciles à trouver ; ici, notre intention a été de réaliser une notice assez accessible, assez propédeutique, si bien que nous avons limité nos sources à deux : l’article du « Petit Robert des noms propres », apprécié pour sa rigueur, et celle de l’encyclopédie électronique « Wikipédia », qui surprend agréablement par la richesse de son information, la relative sophistication de ses commentaires, et dont les progrès de la fiabilité en général sont à saluer.

Pour aller plus loin

18) A ceux qui voudraient en apprendre plus sur notre sujet, nous ne résistons au plaisir de leur conseiller de se plonger dans l’ « Adam Mickiewicz » de l’universitaire Léon Kolodziej, qui se recommande autant par son érudition que par son inspiration, édité chez Pierre Seghers en mars 1970, sous le numéro 195 de la collection « Poètes d’aujourd’hui » ; attention : il s’agit d’un livre, qui, comme on dit de façon feutrée, « se mérite » (en clair : assez ardu, pour initiés), mais qui permet d’atteindre bien en profondeur le message et l’art mickiewicziens ; outre qu’on ne se le procure plus très facilement, même sur le marché de l’occasion, bientôt sans doute un volume pour seuls bibliophiles patentés.

———————————————————————————-

   19) prochain feuillet :

« Le Grand OPALA, le LION de la cage ! »

Cet article a 2 commentaires

  1. Cybulski

    Bonjour cher ami, tes écrits sont toujours aussi intéressants.
    Bravo.

    1. Francis Szulc

      Merci pour ton soutien, j’aime pouvoir compter dessus. fr

Laisser un commentaire