e II – Les Polonais et le Travail
« NOWO » nous a quittés :
« Un grand Monsieur » (sic)
- Un nombre conséquent d’annonces a plu comme de la grèle sur la toile, la presse sur support-papier aussi a publié la consternante nouvelle : Casimir (pol : « Kazimierz ») Nowotarski (1932-2024) est décédé, à Evian, où il résidait depuis de longues années, ce mercredi 16 octobre, alors qu’il allait passer le 26 novembre prochain le cap de ses 92 ans.
- Alors que 2025 approche, qui, nous l’avons déjà fait savoir plusieurs fois, sera l’année du centenaire du club de l’Asca-Wittelsheim, qui a été celui des débuts du défunt, on peut déjà se rappeler, par ses diminutifs affectueux, de « Cajou », de « Kazik », de « Nowo », comme d’un des joueurs les plus prestigieux du Bassin potassique, et, au-delà, de toute la région mulhousienne.
- Cajou en fin d’adolescence a donc commencé sa carrière de joueur à l’Asca, dans la fameuse équipe qui a remporté deux fois de suite la Coupe d’Alsace, en 50 et 51.
- Dès l’âge de porter l’uniforme, il est enrôlé par le Bataillon de Joinville, unité militaire qui réunit tous les sportifs de haut niveau du pays, où il se lie avec les plus grandes stars du ballon rond des années 50, Raymond Kopa(szewski) (1931-2017), d’origine polonaise comme lui, héros de Reims et du Real, Just Fontaine (1933-23), qui inscrira 13 buts en Suède en 58, lors de la Coupe du monde, et Michel Hidalgo (1933-2020), sélectionneur de l’équipe de France pendant 8 ans, de 76 à 84, et qui a refusé le poste de ministre de la Jeunesse et des Sports.
- Jacqueline, la veuve de « Nowo » : quand Hidalgo meurt, je lui annonce, par principe, la nouvelle, par courriel, elle me fait une réponse qui me laisse estomaqué, devant un pot aux roses, en substance : « Vous savez, Michel n’était pas pour nous n’importe quel champion, mais un vrai ami : il a été le témoin de Cajou à notre mariage ! Nous avons le cœur très gros…» Pour dissiper l’émotion du moment, je lui rétorque : « Vous vous rendez compte, quand vous vous êtes mariés (vers le 13 ou 14-07-55), j’étais déjà vieux : j’avais déjà…deux semaines ! »
- C’est assez bientôt après que Jacqueline a commencé discrètement à lever le voile, sur ce qui commençait, le déclin de la santé de son mari, par maladie dégénérative, comme cela arrive maintenant à nombre de nos octogénaires. Nous avions commencé à parler des ennuis de santé de Danielle Albouy, la tante de Cajou, qui étaient plus aigus ; et Jacqueline m’a lâché : « Oh, vous savez, Cajou, maintenant, il est un peu loin de tout ça, ça le dépasse… » C’était clair, il n’y avait plus de doute, l’épreuve finale était entamée, pour le cher homme ; je me souviens bien encore quand le processus de fin de vie s’est enclenché pour son grand-père, Franz Kufel, à la fin des années 70, puis pour le compagnon de sa maman (+) Joseph Rem, et pour son oncle (+) Pierre Albouy, vers les années 2010, et dont j’ai eu, comme président de l’association CLPP, succédané pauvrelet de l’ancienne MJC liquidée, à prononcer les éloges funèbres ; et j’en passe, volontairement …
- Jacqueline et moi avons commencé à communiquer de façon soutenue, par messagerie internet, en juin 2018, après qu’elle a participé, avec son époux, à la commémoration des 20 ans de la mort, si prématurée, à 68 ans, de cette force de la nature qu’a été le grandissime gardien de but de l’Asca Zbigniew Opala, parti d’un cancer de la prostate trop tard diagnostiqué ; je n’imaginais pas qu’au même âge à peu près, j’allais être agressé par le même mal que ce héros de mon enfance, de ma cité, de ma rue, de mon stade, mon lointain parent si on veut… et que je serais encore là, moi, après ablation, ce soir, pour boucler cet article de souvenirs et d’hommage.
- L’opération « Opala, 20 ans après », je l’ai organisée avec le concours étroit et amical de Sonia, la fille unique de « Zbyszek », épouse Grosset, et de sa très regrettée maman (+) « Marie ». Dans les déplacements automobiles de la journée, j’ai fait le chauffeur pour le couple « Nowo », ainsi que pour le maire honoraire (+) René Arnold, lui devant, eux derrière, dans ma tuture. Les mails entre Jacqueline et moi, c’était bien, ça a duré ce que ça a duré, j’ai tout gardé, je suis un obsédé des archives, on ne raconte pas d’histoires, l’histoire, même la petite histoire, sans archives, surtout quand on se rend compte qu’on a une mémoire qui commence a avoir de petits ratés momentanés, les 70 ans approchant…
- Le parcours sportif de Cajou, suite : il est recruté comme joueur professionnel en 53, et en 10 ans, jusqu’en 63, ses services sont demandés par 5 clubs, successivement Le Havre, où il fait la rencontre de sa future épouse Jacqueline (53-54) , Bordeaux (54-56), Lille (56-60), Strasbourg (60-61), Besançon (61-63).
- Il commence ensuite une carrière d’entraîneur, qui durera plus longtemps, 17 ans, avec l’US Evian (69-71), le RC Strasbourg (71-73), et le FC Gueugnon (74-86). Dès sa première saison à Strasbourg, le club, alors en Division 2, remonte en Division 1, où il se maintient l’année suivante, avec le très beau rang de vice-champion de France. Mais c’est à Gueugnon qu’il dure le plus et va le plus loin, faisant du club le meilleur club amateur de France, et le 1er de la D2 en 1979, en se payant le luxe de refuser son accès en D1 !
- Gueugnon a gardé de son ancien coach un souvenir fortement aimant ; au moment où il disparaît, ses anciens joueurs résument la situation ainsi : « Un grand Monsieur. » Tout est dit. Enfin presque.
- Qu’est-ce qui a fait le « grand Monsieur » ? Le respect des gens, la bienveillance, le sens de la proximité, le fair play, la retenue, l’exigence de qualité, le sens de l’effort, la persévérance. Et j’en passe, évidemment : chacun complètera en fonction de sa connaissance personnelle de l’homme… Mais je veux insister sur un point, pour moi capital : Cajou a été un homme de fidélité aux origines, il n’a jamais oublié d’où il venait : famille, amis, club, ville, culture, valeurs…
- Illustrations
- Pour le sommaire de notre blog, une photo (R.H.) de Cajou et Jacqueline, son épouse, en conversation avec le peintre (+) Robert Zieba, de trois quarts arrière, à l’écomusée d’Ungersheim, en juin 2006, lors de notre 2ème carrefour « Des Polonais remarquables, qui se racontent », avec, au fond, de profil, en chemise rouge, le maire honoraire René Arnold ; le défunt à cette occasion nous a fait l’honneur de prendre la parole: la vidéo intégrale de son intervention, après nette amélioration technique, est maintenant enfin disponible ici, sur notre Vlog.
- Photo d’équipe : Cajou à ses débuts, à l’Asca (accroupi, le 2ème en partant de la droite), avec l’équipe qui remporte la Coupe d’Alsace en 50 (doc M.Z., ou Marco Zemb).
- Photo de Cajou à Lille, superbe portrait en pied (doc M.Z.).
- Article de journaliste sportif sur Cajou à Lille, qu’on pourrait, en une formule, certes un peu trop simplificatrice, légender ainsi : où « la chrysalide est devenue papillon » (doc M.Z.).
- Photo de Cajou en famille, en 1982, le 1er en partant de la droite, 1,70m, à Wittelsheim. (doc da ou Danielle Albouy)
- 5 générations successives de la famille-Cajou en 1982, photo prise 42 rue du Château d’Eau, à Wittelsheim, en face du stade de l’Asca, comme la précédente ; debout à gauche l’entraîneur de Gueugnon encore en activité, à sa droite sa fille aînée Véronique, épouse Large, maman du nourrisson Mathieu en blanc (pour ceux qui auraient du mal à le reconnaître) ; assis : à gauche Léocadie, la maman de Cajou, avec à sa droite l’arrière-arrière-grand-mère Sophie, 87 ans, née le 15-02-1895 (photo Wassmer, doc da).
- Pour finir en beauté, une photo-clin d’oeil, du 21-11-82, Cajou et son épouse vont valoir leurs origines, en costumes folkloriques, lui en Cracovien, elle en Normande (doc da.).
- Rappel: nous avons déjà mentionné Nowotarski dans plusieurs articles parus sur ce blog : le palmarès de l’Asca, les pros de l’Asca, les noces de diamant des Kufel, les Zemb et le foot, 12 Polonais remarquables.
- Signalons enfin que l’encyclopédie « Wikipédia » propose une notice biographique de Nowotarski qui vaut par sa précision ; c’est bien, ça : « Wiki » mérite de plus en plus d’être consultée !
16) Fait le 27-10-24 par fsz, avec la forte contribution de Marco Zemb, à qui j’adresse mon joyeux merci amical ! matériel protégé par le droit d’auteur (loi française du 11 mars 1957).