e mémpol IV – Les Polonais et l’Eglise

« Conférence » à Thierenbach, sur : fêtée le 26-08, la Vierge de Czestochowa

par fsz site polonais-et-potasse.com

   Une vraie nouvelle : depuis un certain temps, Thierenbach n’a pas 1 seule, mais 2 vierges noires polonaises, copiées sur tableaux de celle de Czestochowa.

   Je récapitule ci-dessous la presque totalité des propos que j’ai tenus le lundi 26-08-24 dans la salle des pèlerins près de la basilique de Thierenbach, en l’honneur de Notre-Dame de Czestochowa.

   «1) Le recteur du pèlerinage de Thierenbach Patrick Koehler me prie de le remplacer (Il assiste, comme il convient, aux obsèques de son prédécesseur au mont Ste-Odile le chanoine Diss.) pour communiquer avec vous sur la Vierge noire de Czestochowa, fêtée chaque année le 26 août, donc aujourd’hui ; c’est un beau cadeau qu’il me fait là ! Joyeux merci, à lui, et à vous !

   2) Je suis Francis Szulc, professeur à la retraite ; ancien correspondant de presse locale, j’ai eu à m’intéresser aux Polonais d’Alsace, et à leur rapport à Thierenbach ; et c’est donc pourquoi le recteur m’a sollicité pour ce service ponctuel.

   3) Czestochowa se dit en allemand Tschenstochau. C’est aujourd’hui une ville de l’ordre de 250.000 habitants, soit deux fois Mulhouse, administrativement rattachée depuis la réforme administrative de 1999 à la Silésie ; mais historiquement elle est plus en lien avec la région de Petite-Pologne, dont la capitale est Cracovie.

   4) Czestochowa est célèbre comme lieu de pèlerinage marial, qui voit passer quatre à cinq millions de visiteurs par an ; elle est jumelée à ce titre avec les sanctuaires mariaux les plus importants d’Europe, c’est-à-dire Lourdes, Fatima, Lorette.

   5) Sur une douce petite colline appelée « Jasna Gora », ou « mont de Lumière », protégé à l’intérieur d’un monastère de moines paulins, est gardé depuis 1384, donc depuis 640 ans cette année, un tableau réputé miraculeux de la Vierge à l’enfant Jésus ; elle est appelée « Madone noire » (pol : « czarna Madona »), et aussi, abusivement, paraît-il, « Vierge noire » (appellation réservée par les puristes à des statues, et non des peintures) parce que le temps a foncé sa teinte d’origine, tout comme la fumée des cierges.

   6) Suivant la légende, la si belle légende, le tableau a été peint à la cire par l’évangéliste St-Luc lui-même, et sur le plateau en bois (trois planches de tilleul) de la table où mangeait la sainte Famille, dans sa maison de Nazareth. Le style de l’icône trahit en fait nettement une origine byzantine, et on en trouve couramment de la même veine chez les orthodoxes.

   7) Entre toutes les Vierges au teint foncé existantes, celle de Czestochowa se reconnaît facilement aux deux longues cicatrices parallèles qui marquent sa joue droite, souvenir du pillage subi par le sanctuaire le jour de Pâques 1430, et commis par des brigands hussites (tchèques). Suivant la légende, quand le fer profanateur a atteint la toile, du sang aurait coulé de la blessure. Et on pourrait donc très bien nommer cette Vierge « La Balafrée », ou « La Vierge aux deux balafres », une représentation qui, par analogie, rapproche peut-être encore plus la Mère de son Fils au flanc percé par une lance romaine.

   8) Potop. A la fin de la guerre de Trente ans (qui a beaucoup fait souffrir l’Alsace, ne l’oublions pas), en 1655, la Pologne est presque totalement envahie par les protestants suédois. L’écrivain polonais nobélisé  Henryk Sienkiewicz retrace cette campagne militaire sous le nom de « Potop », « le Déluge, suédois ». Mais le monastère, sous la conduite du prieur Kordecki, résiste à un siège de 40 jours, contre l’assaillant 10 fois plus nombreux. L’échec de l’envahisseur signifie évidemment que la Vierge a exaucé les prières de l’ecclésiastique qui du haut des remparts implorait protection. Et à partir de ce siège perdu par l’envahisseur, toute la Pologne est progressivement reconquise par les Polonais. Et le tableau des Paulins, outre sa valeur religieuse, se double dorénavant d’une valeur patriotique. La Vierge, c’est la résilience, la résistance, l’indépendance, la souveraineté, la liberté ; et, progressivement, Czestochowa, avec son grand rassemblement annuel du 15 août, devient « le grand confessionnal national de la Pologne », le lieu où tout le pays, jusqu’aux plus hautes autorités, vient, ou doit venir, effectuer son examen de conscience périodique, pour qu’on soit bien assuré que la nation, ou le bon troupeau, avance, et dans la bonne direction.

   9) Pour remercier Marie de cette libération, le roi de Pologne Jean II Casimir Vasa institue en 1655 la Vierge « Reine de la Couronne de Pologne » lors d’une cérémonie restant dans l’histoire sous le nom de « L’Alliance de Lwow »,  la ville aujourd’hui ukrainienne de Lviv, dont un musée, pauvres œuvres d’art innocentes, a été récemment bombardé par qui vous devinez.

   10) Ce roi Jean-Casimir a été un roi assez spécial. Il est d’abord cardinal, peu content de son sort, car son état l’empêche de se marier. Il succède à son frère Ladislas IV décédé prématurément, et se marie avec la veuve du disparu, sa belle-sœur, Marie-Louise de Gonzague de Nevers, une princesse française, qui se mêle de politique, et qui a dans sa suite une autre Française, une certaine Marie-Casimire de la Grange d’Arquien, qui à son tour, épouse de Jean III Sobieski, va devenir reine de Pologne, mais impopulaire. Après la mort de Marie-Louise, Jean-Casimir abdique et s’exile en France. S’étant éteint à son tour, il est inhumé dans la chapelle St-François-Xavier de l’église abbatiale St-Germain-des-Prés de Paris. Ses restes sont cependant bientôt rapatriés au château du Wawel, à Cracovie, où reposent traditionnellement les monarques polonais. Mais le cénotaphe solennel, en marbre blanc, de sa première sépulture est toujours visible à Paris, qui montre le roi tendant sa couronne vers le ciel, pour qu’elle soit recueillie par la Vierge.

   11) C’est en avril 1952 Thadée Obidniak, artisan talentueux dans le travail du bois, qui concrétise le lien marial entre Thierenbach et Czestochowa, en dotant le pèlerinage annuel des Polonais du Bassin potassique et de Mulhouse, puis par extension de tout l’Est français, d’un tableau sculpté à l’effigie de la Vierge nationale de la « Jasna Gora », pour que les fidèles de culture polonaise puissent se tourner vers la représentation de la Vierge qui leur est la plus spontanée, la plus automatique, la plus affectionnée.

   12) Pour inciter à méditer les significations du 26 août, fête de N-D de Czestochowa, je voudrais rappeler en plus maintenant  plusieurs événements survenus à cette date ;

   – a) en 1978, après un conclave extrêmement bref, un nouveau papeJean-Paul 1er, appelé  « le pape au sourire », (par analogie avec « l’ange au sourire » de la cathédrale de Reims ?) est élu en la personne du cardinal Albino ( cf : « aube ») Luciani (cf : « de la lumière »), dont le nom évoque doublement la lumière, comme la colline « mont de lumière » de Czestochowa ; la fumée qui sort du fourneau de la Chapelle Sixtine reste incertaine, dans les tons gris, pendant 1 heure, comme un mauvais présage, avant de virer au blanc voulu ; et, en effet, le pontificat ne durera que 33 jours !

   – b) dans la semaine précédant cette élection papale le général aux lunettes noires Jaruzelski, celui même qui a instauré l’état de siège en Pologne le 13-12-81, considéré comme un grand méchant, a effectué un don aux moines paulins, pour l’entretien de leurs bâtiments ; et un début d’incendie s’est déclaré dans une toiture, comme un signe que l’offrande d’un athée à la tête du pays n’était pas bienvenue…

   – c) le dimanche 26-08-90, par accident, un cierge brûle le tableau de la Vierge de Czestochowa qui se trouve depuis l’Assomption de 1930 en l’église Ste-Barbe de 68270 Wittenheim, en plein Bassin potassique, à une dizaine de kilomètres à peine de Thierenbach, installé solennellement par mgr Ruch, évêque de Strasbourg ; en ce même jour, M. et Mme Joseph Peplinski fêtent leurs noces de diamant dans une église voisine ; ils ont été le premier couple de Polonais marié à Ste-Barbe, alors que l’effigie de la Vierge noire venait d’y être introduite à peine dix jours avant ; le marié, depuis les débuts de l’immigration, a officié comme chef de chœur de la doyenne des chorales paroissiales polonaises du Bassin potassique, « Lutnia » (fr : « le luth »), attachée à la cité minière de Rossalmend.

   – d) le 26-08-1789, les révolutionnaires français ont adopté la « Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen » ; il est naturel de ne pas omettre cette référence ici, car elle est souvent invoquée par la diplomatie vaticane et rappelée par les derniers papes dans les grandes occasions de l’année liturgique.

   – e) Pour terminer par une notation, certes anecdotique, mais agréable, rappelons que l’image primitive de la Vierge de Czestochowa a été pour ainsi dire adoptée comme emblème par le syndicat « Solidarité », au début de 1980 ; Lech Walesa, président de la République de Pologne de 1990 à 95, portait une petite reproduction du tableau originel au revers de son veston, exaltant sa dimension patriotique et politique. Walesa, prix Nobel de la Paix en 1983, a fait cadeau de son diplôme au monastère de Czestochowa.

   – f) Walesa est venu en pèlerinage à Thierenbach le dimanche 21-11-21, où il a suivi une messe franco-polonaise, et a reçu la communion du recteur d’alors Denis Simon.

   13) Pour en apprendre davantage sur la Vierge de Czestochowa en région mulhousienne, on se connectera à mon site internet spécialisé polonais-et-potasse.com  Plusieurs articles sont consacrés à la question, et d’autres encore suivront.

   14) Deux illustrations :

  1. a) au sommaire de notre blog, le tableau tissé en laine (dimensions d’environ 110cm X 80 cm), dûment suspendu depuis moins d’une semaine dans la « salle des pèlerins », représentant la Vierge de Czestochowa originelle, « nature », sans ornements de pierres précieuses ; qui l’a introduite ici, et quand ? mystère, pour l’instant, mais j’ai ma petite intuition, que je vais essayer de transformer en certitude ; c’est le genre de reproduction de haut de gamme qu’on a diffusé pour exalter les multiples commémorations des 600 ans (1382-1982) de séjour du tableau « de Luc » sous la protection des Paulins ; j’ai découvert l’existence de ce bel objet bien expressif, aux couleurs toniques, par hasard, ce dimanche passé 18 août, jour anniversaire de (+) ma mère, et celui de la première visite à Thierenbach du nouvel archevêque de Strasbourg mgr Pascal Delannoy ; la présence de cette tapisserie est heureuse, car elle complète la Vierge d’Obidniak suspendue dans la basilique, en montrant l’autre version du tableau de Czestochowa ; car il est bon de connaître les deux, non ?
  2. b) la Vierge de Czestochowa, suivant la sculpture sur bois d’Obidniak (photo de 1977 de Jean-Marie Schreiber) ; traduction de l’inscription en polonais : a) autour de l’image : « Reine de la Couronne de Pologne, prie pour nous » ; b) sous l’image : « La Polonia d’Alsace à sa Mère 1952». (ndl : « Polonia » = communauté, diaspora, émigration ») ; j’ai fait commémorer le 23-12-22 les 70 ans de l’introduction de l’œuvre à Thierenbach, en faisant dire par don Armand d’Harcourt, jeune vicaire depuis la rentrée de 2021 à l’église St-Etienne de Mulhouse, une messe pour le repos de l’âme de l’artiste, dans la chapelle du pèlerinage.

   15) J’espère qu’on revisitera ce récapitulatif chaque année, pour se rafraîchir facilement la mémoire, afin de bien fêter la Vierge de Czestochowa ; chaque 26-08, bien sûr ; et aussi le 15-08, pour l’Assomption ; et le lundi de Pentecôte, pour le pèlerinage annuel des Polonais à Thierenbach. » 

16) Fini de rédiger par fsz le 25-08-24, 80ème anniversaire de la Libération de Paris par les troupes du général Leclerc ; matériel protégé par le droit d’auteur (loi française du 11 mars 1957).

Cet article a 3 commentaires

  1. Francis Szulc

    1) Additif à l’article « Conférence » à Thierenbach.
    Le lendemain de la « conférence » (je trouve le mot un peu trop « solennel ») du 26-08 dans la « salle des pèlerins », j’adresse au recteur Koehler le petit compte-rendu suivant:
    2) La séance de l’ordre d’une heure d’histoire religieuse polonaise d’hier s’est passée de manière vivante, dialoguée, cordiale, avec un auditoire de huit dames cultivées et studieuses, qui voulaient prendre des notes, et sont allées précipitamment acheter des stylos, dès qu’elles ont compris que je suis un « vrai » ancien prof: fendard, ça, non?
    3) Le but visé est atteint, j’en suis tout heureux: nous avons fait quelque chose de positif pour le rayonnement du pèlerinage.
    4) En fin de séance, j’ai fait un peu de pub pour mon site-web, et, aussi bien,
    5) j’ai un peu débordé pour vous faire un peu de pub, en signalant que vous avez réussi à « importer » à Mulhouse une relique du pape polonais, une vraie relique sérieuse, qui justement mériterait un peu plus de pub de la part de vos trois successeurs depuis trois ans à l’église St-Etienne de la si diverse Cité du Bollwerk. Il est bon de mettre les informations en synergie, n’est-il pas?
    6) Cependant, j’ai voulu me présenter au prêtre qui a dit ensuite la messe, et cela a raté, car je suis allé vers lui à un moment où il n’était pas disponible, pris par son service auprès des fidèles. Bon, ce n’est que partie remise, je pense, et espère.
    7) Gros merci cordial encore à vous de m’avoir offert cet épisode spirituel et culturel inattendu, bienvenu, et souriant. »
    8) A ce message, le recteur a bien voulu répondre, le lendemain 28-08, dès 5h du matin! en ces termes:
    9) « Surtout, merci à vous pour votre dévouement spontané, qui m’a permis d’aller aux obsèques du chanoine Diss. Vous m’avez tiré une épine du pied. Merci, à la joie de vous revoir. Avec mes souhaits de bonne journée, respectueusement. Pk »
    10) « Pk » = « Patrick », le prénom du recteur.
    11) Pour rendre compte à d’autres, j’ai dit toute cette semaine que les choses se sont passées à l’ancienne, comme dans une « réunion Tupperware » de naguère: ah, ces réunions, prétextées par l’achat de boîtes en plastique pour conserver les aliments, ces réunions de ma mère, avec ses voisines et copines, si parfumées et enrichissantes par l’odeur du bon café et par tant de joie de vivre…
    12) Pour tenter de me faire au moins un peu comprendre par les pauvres mécréants, j’ai dit et répété aussi que la Vierge noire de Czestochowa est encore plus précieuse pour les Polonais que la Joconde pour les Français, et les Italiens: c’est dire! fsz , le mardi 27-08-24.

  2. Wawer

    Une conférence Tupperware pour huit dames pieuses certainement séduites par l histoire de Jean-II Casimir -Vasa et de ses frasques royales autant que par le savoir encyclopédique du conteur qui ouvre son exposé des invasions suédoises jusqu à la mèche de cheveux de Jean Paul 2, après avoir rappelé le sourire d Albino 33 jours!
    Bravo, Herr Brofasser !

    1. Francis Szulc

      1) Joyeux merci à vous, M. le Président, de jouer le jeu du blog, de montrer l’exemple, de m’encourager, dans mes oeuvrettes, par votre lecture, presque toujours-toujours patiente et indulgente, dont j’ai toujours-toujours bien-bien besoin!
      2) Au fait, pour changer de sujet, avez-vous vu, dans votre rubrique sur ce site « Président Weber », les éclatantes photos où vous figurez comme maire devisant avec le Président du Conseil, et du Parlement européen, Pierre Pflimlin himself, (fr = « lui-même ») à qui vous avez dédié une rue, déjà de son vivant! dans votre bon Sausheim, où vous avez fait fait avancer tant de choses?
      3) Je suis impatient de publier maintenant le récit que vous faites de votre refus d’un portefeuille de MINISTRE!!! (Je mets 3 points d’exclamation, comme vous, exceptionnellement, contre la bonne règle de sobriété dans la ponctuation, car ça vaut ça!!! fsz, le jeudi 05-09-24.

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