e V- Les Polonais et l’Ecole

Quelques vers libres de Charles Péguy (1873-1914),

par fsz site polonais-et-potasse.com

   extraits de son recueil intitulé

« Le Porche du mystère de la deuxième vertu »,

 première édition en 1912, ici avec préface et notes de Jean Bastaire, nrf, collection Poésie/Gallimard, 1986,

cette lecture prioritaire, première, pour ceux qui aspirent à la conversion, et pour les croyants qui veulent savoir tout le bonheur qu’ils ont de croire.

 

   1) 1er passage, d’une poésie que je vais nommer « absolue », car elle atteint tout le monde, jusqu’aux plus jeunes enfants (pages 21-22).

    « Ce qui m’étonne, dit Dieu, c’est l’espérance.

Et je n’en reviens pas.

Cette petite espérance qui n’a l’air de rien du tout.

Cette petite fille espérance.

Immortelle.

 

   Car mes trois vertus, dit Dieu.

Les trois vertus mes créatures.

Mes filles mes enfants.

Sont elles-mêmes comme mes autres créatures.

De la race des hommes.

La Foi est une Epouse fidèle.

La Charité est une Mère.

Une mère ardente, pleine de cœur.

Ou une sœur aînée qui est comme une mère.

L’Espérance est une petite fille de rien du tout.

Qui est venue au monde le jour de Noël de l’année dernière.

Qui joue encore avec le bonhomme Janvier.

Avec ses petits sapins en bois d’Allemagne couverts de givre peints.

Et avec son bœuf et son âne en bois d’Allemagne. Peints.

Et avec sa crèche pleine de paille que les bêtes ne mangent pas.

Puisqu’elles sont en bois.

C’est cette petite fille pourtant qui traversera les mondes.

Cette petite fille de rien du tout.

Elle seule, portant les autres, qui traversera les mondes révolus.

 

    Comme l’étoile a conduit les trois rois du fin fond de l’Orient.

Vers le berceau de mon fils.

Ainsi une flamme tremblante.

Elle seule conduira les Vertus et les Mondes.

 

   Une flamme percera des ténèbres éternelles. »

 

   2) 2ème, et dernier passage, pour qui veut se risquer à goûter du Péguy plus craché, celui dont l’expression est ordinairement charriée comme une coulée de lave, encombrée et incandescente (pages 20-21).

   « Mais l’espérance, dit Dieu, voilà ce qui m’étonne.

Moi-même.

Ca c’est étonnant.

 

   Que ces pauvres enfants voient comme tout ça se passe et qu’ils croient que demain ça ira mieux.

   Qu’ils voient comme ça se passe aujourd’hui et qu’ils croient que ça ira mieux demain matin.

   Ca c’est étonnant et c’est bien la plus grande merveille de notre grâce.

   Et j’en suis étonné moi-même.

   Et il faut que ma grâce soit en effet d’une force incroyable.

   Et qu’elle coule d’une source et comme un fleuve inépuisable.

   Depuis cette première fois qu’elle coula et depuis toujours qu’elle coule.

   Dans ma création naturelle et surnaturelle.

   Dans ma création spirituelle et charnelle et encore spirituelle.

   Dans ma création éternelle et temporelle et encore éternelle.

   Mortelle et immortelle.

   Et cette fois, oh cette fois, depuis cette fois qu’elle coula, comme un fleuve de sang, du flanc percé de mon fils.

   Quelle ne faut-il pas que soit ma grâce et la force de ma grâce pour que cette petite espérance, vacillante au souffle du péché, tremblante à tous les vents, anxieuse au moindre souffle,

Soit aussi invariable, se tienne aussi fidèle, aussi droite, aussi pure ; et invincible, et immortelle, et impossible à éteindre ; que cette petite flamme du sanctuaire.

   Qui brûle éternellement dans la lampe fidèle.

   Une flamme tremblotante a traversé l’épaisseur des mondes.

   Une flamme vacillante a traversé l’épaisseur des temps.

   Une flamme anxieuse a traversé l’épaisseur des nuits.

   Depuis cette première fois que ma grâce a coulé pour la création du monde.

    Depuis toujours que ma grâce coule pour la conservation du monde.

   Depuis cette fois que le sang de mon fils a coulé pour le salut du monde.

 

   Une flamme impossible à atteindre, impossible à éteindre au souffle de la mort. »

   3) George Weigel a écrit la biographie pour ainsi dire officielle de Jean-Paul II (JC Lattès, 2005) : « voulue et accompagnée » (sic) par lui ; dès le sous-titre de son ouvrage, l’auteur caractérise son personnage en le nommant « Témoin de l’espérance » ; je ne me suis donc peut-être pas trompé en me laissant aller, dès l’attentat de 81, à la même association d’idées, entre le pontife et sa vertu dominante.

   4) En illustration :

  1. a) la 1ère de couverture de l’édition Bastaire du « Porche », à laquelle on s’est référé dans cet article ;
  2. b) et pour le sommaire de ce blog, la 1ère de couverture de la biographie écrite par Weigel.

   5) Fait le dimanche 14-04-24, par fsz ; matériel protégé par le droit d’auteur (loi du 11 mars 1957).

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