e-XIV Le coin des amis

 

Le président jjw raconte (14) : Août 72 à Amélie : 3 tués !

par fsz site polonais-et-potasse.com

   1) Jean-Jacques Weber, avant de supérieurement percer en politique, a été journaliste, ne l’oublions pas ; un journaliste engagé, qui a de l’éthique, qui estime, à raison, que le journaliste a un rôle social, qu’il contribue par son travail au bien public.

   2) N’oublions pas non plus qu’il était très sensible à la dangerosité du métier de mineur de fond, dans sa période passée au Bureau de « L’Alsace » dans le Bassin potassique ; parce qu’il s’agissait d’un sujet capital, naturellement, qui habitait les esprits en permanence.

   3) En effet, si l’on considère que 98 ans (théoriques) d’exploitation de la potasse ont entraîné la mort par accident professionnel d’environ 850 hommes, ça nous donne le rythme schématique de presque 9 tués par an, soit 1 tué toutes les six semaines, ce qui nous fait un chiffre franchement violent, qui nous éclate à la figure, une « stat » difficile à « encaisser ». Jjw a d’ailleurs en ce sens dit à Maurice Haffner (voir notre article sur ce dernier, à l’occasion de ses 80 ans, sur ce blog), qui a suscité un remarquable récapitulatif des morts de la potasse, qu’il considère cette mortalité comme « hallucinante ».

   4) En somme : la potasse nourrit bien, mais elle tue bien aussi ; jjw était d’autant plus sensible à cette irréductible ambivalence de la mine qu’il était hautement conditionné tout à fait personnellement par le fait d’avoir eu son grand-père homonyme longtemps délégué-mineur au puits de Wittelsheim-Amélie1, le délégué-mineur étant précisément celui qui est chargé de veiller à ce que ses camarades travaillent dans les meilleures conditions de sécurité possibles.

   5) Il faut donc avoir les considérations des paragraphes précédents 1 à 4 inclus bien présentes à l’esprit quand on revisite la manière dont le sympa Jean-Jacques, en bons termes avec les syndicalistes, a couvert pour le journal l’accident survenu début août 72 au puits Amélie, et qui s’est soldé par la mort de 3 hommes.

   6) Moi, ce qui me saute toujours aux yeux, et me fait toujours plaisir, c’est l’aptitude de mon mentor à « L’Alsace » à prendre en considération simultanément une importante quantité de données diverses, disparates même, et à en exposer rapidement une synthèse claire, efficace, impeccable.

   7) Je me souviens que face à ce défi du « bien expliquer » les faits, jjw s’est trouvé en cette circonstance d’août 72 une botte secrète, l’expertise de M. Schmitt, de Rossalmend, le mari d’Yvonne, la traductrice au journal engagée en soutien à Jean Stebler, le germaniste chef d’agence, diminué physiquement par une impitoyable sclérose en plaques. Jjw, c’était toujours dans l’urgence qu’il m’étonnait le plus par ses ressources ! L’actualité pouvait être tourneboulante comme elle voulait, il retombait toujours sur ses pattes, et à temps.

   8) Pour moi, cet accident n’était pas un fait divers indifférent, abstrait, car j’habitais dans la même rue que le tué d’origine polonaise, le porion Henri Grzelak, dont un des fils, Bernard, bien trop tôt décédé lui aussi, de maladie, avait le même âge que moi, et a été mon camarade de classe, à l’école primaire, précisément d’Amélie1, pendant 5 ans (61-66).

   9) En ce début août, l’anniversaire de mes 17 ans était encore tout frais ; jjw m’a emmené avec lui aux obsèques, où je devais être sa seconde paire d’yeux, pour surtout ne rien rater de ce qui devait être impérativement rapporté dans le journal du lendemain.

   10) Devant cette foule, comme je n’en avais jamais vue, si lourde de son silence, de sa douleur, de son inquiétude, à la chapelle St-Jean-Bosco de Wittelsheim-Langenzug, ma paroisse, en plein air, par fort soleil, c’est le préfet Escande qui a fait désordre ; ayant manifestement bu plus que de raison, il a quelque peu bafouillé son allocution d’une langue pâteuse, évoquant aussi bien les « Mines de potasse d’Alger » (sic) ! que le « Bassin potagique » (sic) ! fusillé d’un regard noirissime par Georges Bourgeois, le président du Conseil général d’alors, contenant à peine son indignation.

   1) Ci-dessous, on retrouvera donc, dans l’ordre:

  1. a) l’article de jjw du samedi 05-08-72, en page régionale de « L’Alsace » ;
  2. b) son article du dimanche 06-08-72, réédité en octobre 99 dans l’édition spéciale des 40 ans de présence d’une succursale du journal à Wittelsheim ;
  3. c) son article dans « L’Alsace du lundi » 07-08-72 ;
  4. d) en complément, la synthèse de l’ensemble, d’un seul tenant, de Robert Stantina (formé à « L’Alsace »-Altkirch, dixit jjw), dans les DNA du mardi 08-08-72, et qui propose un compte-rendu des obsèques.
  5. e) la photo donnée sur le sommaire de ce blog présente, au milieu des bâtiments industriels, le chevalement du puits d’Amélie1 (doc Denis Schott, grand collectionneur de cartes postales d’intérêt historique, merci amical à lui).

   11) Et, maintenant, ma mémoire se met à tourner à plein : me reviennent d’autres accidents miniers mortels (1940, 67, 76) personnellement marquants, hommage à tous ceux qui sont descendus pour gagner durement leur pain, et ont été remontés sans vie…

   11) Terminé de rédiger le 25-03-24 par fsz ; matériel protégé par le droit d’auteur (loi française du 11 mars 1957).    

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