e-mémpol,  thème II : les Polonais et le Travail

  Avant-guerre, dans le Bassin potassique :

La révolte des Polonais,

contre les mines de KST.

par fsz, site-web polonais-et-potasse.com

   1) Longtemps, le suivisme craintif de nos premiers Polonais du Bassin potassique à l’égard de l’autorité en général, leur faible adhésion aux syndicats, encore plus faible aux partis politiques, ont donné le sentiment que de leur arrivée à la guerre, en gros une quinzaine d’années, ils ont vécu « sans histoire(s) ». Bon, si l’on convoque les lieux communs les plus diffusées  à leur égard, cela donne à peu près ceci : on est allé les chercher, ils ont bossé, beaucoup-beaucoup bossé, se sont écrasés, sont restés marginaux. Or, dès qu’on se met à creuser un peu, on s’aperçoit qu’en fait(s) cet entre- deux-guerres de nos immigrés n’a pas été si plat que ça : à preuve, leur véritable révolte de 1928-31 contre les Mines de KST, l’un de leurs deux plus importants employeurs.

   2) Premier rappel : il faut en effet, pour commencer, rappeler que l’exploitation de la potasse d’Alsace s’effectue sous la houlette de deux entreprises, l’une publique, Les Mines domaniales, ou MDPA, l’autre privée, Kali-Ste-Thérèse, ou KST ; les deux sont évidemment en forte concurrence, sur en gros tous les plans, et en particulier sur le traitement, humain, de la main-d’œuvre polonaise qui leur est octroyée, à un moment de l’histoire économique où le besoin de cette main-d’œuvre est très fort.

   3) Deuxième rappel : la zone d’activité de KST comporte les cinq communes de Bollwiller, Ensisheim, Feldkirch, Pulversheim, Ungersheim ; la société exploite la potasse entre 1913 et 1976, à partir de huit puits : Alex, Ensisheim 1-2-3, Rodolphe 1 et 2, Ungersheim 1 et 2 ; à retenir, en incise : la mine Rodolphe a été le théâtre du plus gros accident du travail potassique, le coup de grisou du 23-07-40, qui a tué 23 hommes (juste un mois après l’armistice demandé aux Allemands par le maréchal Pétain).

   4) Dans un contexte politique de relative sollicitude à l’égard du monde ouvrier (influence du Cartel des gauches en France, dictature du maréchal Pilsudski en Pologne), un émissaire du Ministère polonais du Travail effectue une visite d’inspection aux MDPA et à KST en mai 1929 ; la comparaison des conditions de travail et de vie dans les deux firmes tourne très sévèrement au détriment de KST ; en caricaturant à peine : le public est le gentil, le privé le méchant, le public a tout juste, le privé tout faux, le premier fait ce qu’il faut pour son personnel polonais, le second bien insuffisamment.

   5) Les reproches faits à KST touchent au logement (Mes grands-parents paternels, arrivés en 28 à Bollwiller ,doivent en effet transitoirement partager le leur avec une autre famille.) et aux équipements collectifs dans les cités, au salaire et aux annexes de rétribution, à la pénibilité accrue du travail à Ensisheim, en raison de la profondeur des puits (1100m), et donc de la chaleur très forte ; surtout, ce qui est pointé, c’est le mauvais comportement de certains personnels d’encadrement (surveillants et porions) à l’égard des Polonais (reproches injustifiés, brimades, insultes, provocations, harcèlement, sanctions, voies de fait même, bref la plupart des excès de pouvoir habituels d’un dominant sur un dominé).

   6) Le nombre de points de friction ne cesse d’augmenter entre la direction de KST et le consulat de Pologne à Strasbourg, qui est particulièrement conforté par deux organisations qui se veulent protectrices des travailleurs polonais, et dont les antennes mulhousiennes ne cessent d’intervenir en leur faveur, la « Société des ouvriers polonais en France » (pol : « Zwiazek Robotnikow Polskich we Francji », sigle « ZRPF ») et la « Protection polonaise » (pol « Opieka Polska », dont le siège mulhousien se trouve aux 9-11 rue des Tanneurs), incarnée, officiellement depuis le 08-11-28, par le personnage zélé d’une certaine Madame H. Vaillant, d’origine polonaise, mariée à un officier français, et qui défend ses compatriotes, bec et ongles, même quand ils sont clairement indéfendables, ce qui arrive, il faut clairement dire aussi en passant que tous les nouveaux venus, et inclusivement venues, ne sont pas des anges.

   7) Le sommet de l’escalade conflictuelle est atteint en mars 1930, le ministère polonais du Travail faisant prendre la décision, radicale, de ne plus fournir de main d’œuvre polonaise à KST, qui a fini par payer ainsi le prix fort pour ses insuffisances, ses retards, son obsession du rendement.

   8) Louis Bourdieu, l’ingénieur principal de KST, eut beau se démener pour faire amende honorable et susciter la clémence des autorités polonaises, il n’obtint qu’une levée très partielle de la sanction. Ensuite, dès 1931, la roue tourne : les effets de la crise américaine se faisant sentir, il n’est plus question pour KST de songer à embaucher.

   9) Pour illustrer cet article :

  1. a) une vue bien connue du carreau KST- Rodolphe, à Pulversheim, près de l’Ecomusée des maisons paysannes alsaciennes d’Ungersheim ; le site tire en partie sa renommée acquise ces dernières années du fait qu’il est à l’heure actuelle le siège social de l’association à but non lucratif « Groupe Rodolphe », qui oeuvre à la conservation du patrimoine minier, en particulier des machines et véhicules utilisés pour l’exploitation de la potasse ;
  2. b) deux clichés (pris à Bollwiller, en bordure de la route de Guebwiller, qui longe la cité minière), de deux maisons (l’une avant, l’autre après ravalement de façade) à deux logements ouvriers typiques du style architectural adopté par KST, et qu’on ne saurait confondre avec celui des MDPA.

   10) Terminé de rédiger le 05-07-23 ; matériel protégé par le droit d’auteur (loi française du 11 mars 1957).

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